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Afrique de l’ouest : le chantage payant des pays de l’AES

La CEDEAO est en perte de vitesse. Cela, tout le monde le sait depuis au moins une quinzaine d’années. Mais le plus préoccupant c’est que l’organisation le confesse désormais volontiers. Car c’est en substance ce qui s’est passé au cours du sommet extraordinaire que les dirigeants des pays du bloc ouest-africain ont tenu le samedi 24 février, à Abuja, au Nigeria. L’impuissance de l’organisation sous-régionale étant illustrée par sa décision unilatérale de lever les sanctions contre le Niger et les autres pays en transition, sans aucune contrepartie. Les conclusions de ce sommet extraordinaire consacrent en effet, ni plus, ni moins que la perte par la CEDEAO du rapport de force qui se jouait entre elle et en particulier le trio de l’AES. A force de résilience sur fond d’un chantage basé sur un nationalisme populiste, le Mali, le Burkina Faso et le Niger contraignent Bola Tinubu et les autres dirigeants de l’organisation à capituler. Or, en dépit des assurances, la CEDEAO aura du mal à se remettre de cet échec-là. Parce qu’en soi, le mythe de l’organisation est désormais tombé.

Un rapport de force inversé

Quel contraste ! En juillet 2023, au cours du sommet qui consacrait son arrivée à la tête de l’organisation ouest-africaine, le président nigérian, Bola Tinubu, avait fait valoir une fermeté extrême contre les coups d’Etat militaires dans l’espace ouest-africain. Il promettait alors une guerre sans merci contre les putschistes dans la sous-région. Moins d’un mois après, le général Tiani et ses camarades le mettaient subitement au défi au Niger, en renversant le président Mohamed Bazoum, retenu prisonnier depuis. Eh bien, huit mois après, les dirigeants de la CEDEAO réunis autour du même président Tinubu ne peuvent que constater les dégâts. Les putschistes qu’on se promettait de punir, se portent comme un charme. Mieux, ce sont eux qui dictent le tempo. Avec leur annonce fracassante de sortir de la CEDEAO, ils ont réussi même à réduire cette dernière à plus petite qu’elle n’était. La preuve de ce rapport de force qui s’est inversé, c’est cet acte de contrition dont a accouché le sommet extraordinaire, le samedi dernier. Lever les sanctions, cela n’a rien de mauvais dans l’absolu. Mais le faire selon les exigences et pour contenter le fautif, voilà qui enterre ce qui restait d’autorité à l’organisation sous-régionale. Sans le savoir, la CEDEAO vient probablement de signer son acte de décès.

Abdiquer honteusement

En effet, que vaut une organisation à laquelle il ne reste même plus la fierté ? Après ce qui vient de se passer, qui voudra prendre au sérieux Bola Tinubu et tous les autres ? Loin de mettre un terme aux nombreuses crises sociopolitiques qui assaillent la sous-région, le fait pour la CEDEAO d’abdiquer aussi honteusement risque au contraire d’exposer l’espace ouest-africain à l’anarchie. Maintenant qu’Assimi Goïta, Ibrahim Traoré et Abdourahmane Tiani ont triomphé de la fermeté de la CEDEAO, qu’est-ce qui pourrait empêcher un autre militaire de perpétrer un autre coup d’Etat dans un autre pays ? Parce qu’en substance, le message que les dirigeants ouest-africains viennent d’envoyer aux potentiels putschistes est de leur dire : « Allez-y, vous pouvez renverser vos dirigeants respectifs pour le motif qui vous chante. La CEDEAO n’y fera aucun obstacle ». Curieuse recommandation de la part de dirigeants qui justement s’évertuent à nous faire croire qu’ils combattent les coups d’Etat militaires !

Activisme numérique manipulateur

Bien sûr, l’idée n’est pas de prétendre que la tâche de la CEDEAO est forcément aisée. Ce serait par ailleurs trop simpliste et pas nécessairement réaliste pour l’organisation d’ignorer tous les appels en faveur de la levée des sanctions contre les pays en transition. Mais une chose est sûre, ce n’est pas en se pliant en quatre devant les militaires auteurs des coups d’Etat qu’on restaurera l’ordre et la quiétude dans la sous-région. En particulier, les diplomates et autres acteurs de l’ombre auraient pu négocier des conditions plus honorables pour la CEDEAO. Le minimum aurait été que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, à leur tour, donnent des gages de bonne foi. Parce qu’en dépit de tous les reproches légitimes qu’on peut faire à la CEDEAO, les différentes juntes sont encore plus blâmables. Malheureusement, le populisme ambiant, entretenu par un activisme numérique manipulateur, ne laisse pas la place à une analyse objective et rationnelle. Hélas !

Boubacar Sanso Barry

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