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Sénégal : Diomaye Faye, apôtre d’un souverainisme mérité

A l’occasion de sa toute première adresse à la Nation, servie hier soir, veille du 64ème anniversaire de l’indépendance du Sénégal, le nouveau président Bassirou Diomaye Faye a dévoilé un peu plus les chantiers auxquels il entend s’attaquer. On retrouve l’essentiel des composantes du programme de son programme de campagne : lutte contre la corruption, refonte du système électoral avec notamment l’annonce de la création d’une CENI pour remplacer la CENA actuelle, assises sur la réforme du système judiciaire, etc. Mais tout au long de son discours d’une quinzaine de minutes, le jeune président sénégalais a mis en exergue le souverainisme qui lui semble particulièrement cher. D’ailleurs, dès l’entame de son adresse, il rend hommage aux « vaillants résistants, héros célèbres ou méconnus qui, se donnant corps et âmes, ont défié l’odieux système colonial et sa prétendue mission civilisatrice ». Mais si l’on met de côté cette première salve, on finit par réaliser que le souverainisme que défend Bassirou Diomaye Faye n’est pas le concept creux que certains panafricanistes de circonstance nous vendent via les réseaux sociaux. Le président sénégalais ne veut ni d’un nationalisme prétexte, ni d’un souverainisme-chantage. La préférence nationale dont il se veut l’apôtre doit être quelque chose de mérité, parce que fruit d’une prise de conscience authentique des Sénégalais et résultant d’une responsabilité se traduisant dans l’acceptation et l’accompagnement des réformes nécessaires.

Attention à l’illusion

La participation des représentants des juntes malienne et burkinabè notamment à la cérémonie de prestation de serment de Bassirou Diomaye Faye ne doit pas faire illusion. Dans une perspective réaliste, le tout nouveau président sénégalais pourrait, dans le meilleur des cas, être dans une démarche de séduction de ses homologues malien et burkinabè à des fins économiques. Parce qu’en termes d’idéologie, il y a tout un océan entre, d’une part, Bassirou Diomaye Faye, et de l’autre Assimi Goïta et Ibrahim Traoré. Quand les seconds sont aveuglement engagés dans le remplacement mécanique du condescendant français par le nouveau colon russe, le premier, lui, prône un Sénégal exigeant du respect et de la considération de tous ses partenaires. Quand Goïta et Traoré passent l’essentiel de leur temps à imputer la responsabilité des malheurs de leurs pays respectifs à la France, Faye, lui, administre l’implacable vérité à ses compatriotes : « Nous sommes seuls face à notre destin et personne ne fera à notre place, ce que nous ne sommes pas disposés à faire pour nous-mêmes ».

Discours simpliste et manipulateur

Or, c’est ce discours nuancé que certains ne voudraient pas entendre. Incapables de faire leur propre introspection, ils servent le discours simpliste et manipulateur du bouc-émissaire. Le président sénégalais, lui, a conscience qu’aucun souverainisme n’est concédé. Il s’acquiert toujours. Et c’est à ce travail qu’il invite ses compatriotes, à ses côtés. Bien sûr, dans le cadre de la prochaine entrée en production du gaz et du pétrole, il promet une « protection plus soutenue du contenu local au bénéfice du secteur privé national ». Il s’engage en outre à travailler à « endogéniser l’économie » sénégalaise. Mais Diomaye Faye rappelle surtout aux Sénégalais que la consolidation de la souveraineté nationale suppose qu’on rompt les « chaines de la dépendance économique par le culte permanent du travail et du résultat ». Plus concrètement, ils les invite à faire advenir une administration dont les procédures sont rendues simples au profit de l’efficacité. Il note également que la souveraineté politique passe par une souveraineté plus basique encore, à savoir celle alimentaire. C’est pourquoi il appelle à investir « plus et mieux dans l’agriculture, la pêche et l’élevage ».

Prétendus souverainistes

C’est cela la vérité. La lutte contre le néocolonialisme n’est ni une incantation, ni un vœu pieux. Aucun discours pompeux, populiste et victimaire ne saurait non plus lui conférer le succès escompté. Vous voulez vous faire respecter par votre partenaire, quel qu’il soit, commencez par vous faire respecter en luttant contre vos démons intérieurs, assurez-vous de vous acquitter authentiquement de vos devoirs et de votre responsabilité à l’égard de votre patrie. C’est seulement après, nanti de la légitimité requise, que vous pourrez exiger quoi que ce soit de vos partenaires extérieurs. Parce qu’autrement, vous ne saurez venir à bout du colon extérieur, quand vous-même incarnez le colon intérieur. Or, c’est à cette inacceptable contradiction sont exposés certains de nos dirigeants qui se prétendent souverainistes.

Boubacar Sanso Barry  

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