La chronique de cette interminable guerre dans l’est de la République démocratique du Congo se poursuit. Ou plutôt la chronique de la folle progression des rebelles du M23 ne s’arrête pas. Parce que c’est de cela dont il s’agit. Le front étant déserté par l’armée congolaise, les rebelles soutenus par le Rwanda n’ont aucun mal à marcher sur les villes les unes après les autres, après avoir contraint les Wazalendos, ces fameux mouvements d’autodéfense, alliés à l’armée régulière. C’est ce qui s’est de nouveau passé hier dimanche, dans la localité de Kamandi Gite. Mieux armés, plus nombreux et sans doute plus organisés, les rebelles ont lancé une offensive au lever du jour. En face, les Wazalendos, sachant qu’ils ne peuvent pas faire le poids, ont abandonné leurs positions pour aller se réfugier dans les collines. Et avec le vaste territoire qu’il a réussi à gagner avec ces conquêtes successives des rebelles qu’il soutient, Paul Kagamé espère imposer une situation de fait dans la résolution politique de la crise.
M23 Vs FDLR
La crise dans l’est de la RD Congo nous révèle la différence entre Paul Kagamé et Félix Tshisekedi. Quand le premier, focus sur son objectif, demeure rivé dessus, sans se laisser distraire les commentaires et les condamnations de qui que ce soit, le second, parcourt le monde et va de plateau en plateau, pour dire sa complainte, menacer et pleurnicher. Et bien sûr, sur le terrain, le résultat s’en ressent. Alors qu’il est admis aux yeux de tout le monde que le Rwanda mène une agression contre le Congo, Kagamé est en passe d’imposer le narratif selon lequel il est plutôt dans rétorsion. Et cela commence à prendre forme dans les discussions en vue de la résolution politique de la crise. C’est ainsi qu’à la réunion entre experts du Rwanda et de la RDC réunis à Luanda sous l’égide de la médiation angolaise, désormais le principe que le M23 est le pendant rwandais des FDLR est pratiquement avalisé. L’accord que les ministres des deux pays devraient signer le 16 novembre exigera que chacun des deux pays désengage les forces qu’il soutient. En soi, c’est déjà là une victoire pour Paul Kagamé.
La rançon de l’échec au front
Et c’est une victoire qu’il doit au fait que les rebelles qu’il soutient occupent des pans entiers du territoire congolais, que les populations des zones qu’ils occupent sont dans la rue et que très probablement, les ressources notamment du sous-sol de ces zones sont en train de lui profiter. Or, puisque les autorités et l’armée congolaises se révèlent incapables de les en chasser, la médiation ne peut que tenir compte de cette réalité. Elle est obligée d’écouter les prétentions de Kagamé et de s’assurer qu’elles soient prises en compte dans le document d’accord qui pourrait être signé. Pour le Congo, c’est cela la rançon de l’échec au front. Tout accord est le résultat d’un rapport de force. Dans le cas présent, celui-là étant notoirement défavorable à Félix Tshisekedi, il doit s’attendre à faire des concessions, en admettant implicitement qu’il soutient le FDLR contre le Rwanda.
Boubacar Sanso Barry