Son éviction de son poste du premier ministre qu’il occupait depuis juin 2021 était si attendue qu’on pourrait penser que Choguel Maïga l’a lui-même recherchée. Personne, en effet, ne pariait plus sur son maintien après les critiques acerbes qu’il a décochées, le samedi 16 novembre dernier, contre les militaires qui trônent à la tête du pays. D’autant qu’à la suite de cette sortie, les mouvements de soutien à la junte, dans leur ensemble, avaient exigé qu’il soit démis de ses fonctions. Eh bien, hier mercredi, c’est d’abord l’annulation du conseil hebdomadaire des ministres, sur ordre des chefs militaires, qui a donné le ton. Ensuite, en début de soirée, le décret lu à la télévision nationale n’aura été que la confirmation de la fin de la collaboration qui n’a pas été toujours cordiale entre le chef du gouvernement et la junte malienne. Même si la cohabitation a néanmoins duré plus de trois ans. Choguel Maïga et son gouvernement sont donc débarqués. Mais on peut légitimement penser qu’on est encore loin de l’épilogue de ce bras-de-fer qui semble n’en être qu’à ses débuts.
Le limogeage, un point d’honneur
D’une certaine façon, Choguel Kokalla Maïga a travaillé tous ces derniers mois en vue de récolter son limogeage intervenu hier soir. Depuis des mois, il se savait sur un siège éjectable. Mais il s’était fait un point d’honneur de ne surtout pas rendre le tablier. Il tenait à ce que son renvoi soit consécutif à un acte pris par le général Assimi Goïta. D’où la patience qu’il a observée et la résistance dont il a fait montre depuis des mois pour endurer son isolement et sa perte d’autorité, y compris sur le tout-puissant Abdoulaye Maïga qui faisait office de véritable premier ministre. D’où aussi le sacrifice qu’il a consenti depuis le samedi dernier pour supporter la pression de tous ceux qui, proches ou détracteurs, l’incitaient à démissionner depuis sa sortie contre la junte. Il a donc bien fallu le limoger.
Quels risques supplémentaires pour le PM limogé ?
Mais qu’espère-t-il récolter en se livrant à ce jeu ? Par ailleurs, que risque-t-il au-delà de son renvoi ? En effet, le désormais ancien premier ministre voudra et surtout pourra-t-il tranquillement rejoindre les siens et oublier le temps qu’il a passé à travailler au côté des militaires ? Ou bien voudra-t-il réinvestir le champ politique en se posant en alternative au général Assimi Goïta dont l’appétence pour le pouvoir n’a été qu’accentuer tout au long des quatre dernières années ? Encore que cette dernière éventualité sera soumise à une ultime condition : les militaires laisseront-ils au très politique Maïga la chance de jouer de nouveau à un opposant ? Les chances que la junte soit si indulgente sont très minces. D’ores et déjà, certains évoquent l’hypothèse de poursuites judiciaires contre Choguel Maïga, parce que sous nos tropiques, aucune gestion n’est innocente. Il suffit juste qu’on veuille vous trouver des noises. La tâche étant particulièrement rendue facile par l’inféodation du système judiciaire à l’exécutif.
Oublier les calculs politiques
Du coup, l’ancien premier ministre devrait tout de suite oublier certains calculs politiques qui semblent avoir été à la base de l’audace suicidaire qu’il s’est autorisée il y a cinq jours. Il serait d’autant plus avisé d’y renoncer qu’il n’est pas sûr de trouver chez les Maliens le soutien qui pourrait lui servir de rempart face au traquenard éventuel que la soldatesque pourrait lui tendre. Parce que même si Assimi Goïta et ses camarades ne sont plus perçus comme la solution qu’ils se prétendaient, Choguel Maïga lui non plus, malgré le tour de prestidigitation qu’il vient de nous jouer, ne passe pas pour un héros. Au même titre que les militaires qu’il pourfend aujourd’hui, il fait partie du problème. En conséquence, s’il se risque à tenir tête à ceux-ci, alors qu’il ne peut compter sur une quelconque mobilisation de l’opinion publique, il pourrait perdre doublement. Donc, autant bien négocier cette ultime sortie.
Boubacar Sanso Barry