Ce lundi 20 janvier symbolise un peu la consécration pour Donald Trump. Après avoir été sans doute trop tôt rangé dans les oubliettes, le milliardaire républicain, en dépit des nombreux scandales et controverses qu’il traine, est de retour à la Maison blanche. Et c’est le monde entier qui retient son souffle. Ce, en raison de la place prépondérante qu’occupent les Etats-Unis dans la marche du monde et du fait de la singularité de celui qui est appelé à présider aux destinées de la première puissance du monde pour les quatre prochaines années. Bien sûr, à l’instar du monde, l’Afrique aussi attend de savoir ce que Trump II lui réserve. Même si elle sait d’ores et déjà qu’elle ne vaut pas grand-chose aux yeux du leader républicain. Cependant, depuis que Trump est parti du bureau ovale il y a quatre ans, les dynamiques ont considérablement évolué sur le continent africain. En particulier, les aspirations à une dépendance moins marquée à l’égard du camp occidental sont désormais plus manifestes sur le continent africain. Et c’est à se demander si cette nouvelle donne peut incliner Donald Trump à porter un nouveau regard sur le continent noir.
Le mercredi dernier, au cours de son audition de confirmation devant le sénat, le futur secrétaire d’Etat américain dessinait ainsi ce que pourrait être l’approche diplomatique des Etats-Unis durant les quatre prochaines années : « En tant que nation fondée sur la vérité révolutionnaire que ‘’tous les hommes sont créés égaux’’ (…), nous ne serons jamais indifférents à la souffrance de nos semblables. Mais à la fin, sous le président Trump, la priorité absolue du Département d’État des États-Unis doit être et sera les États-Unis. ». Marco Rubio précisant par ailleurs que chaque dollar, chaque programme et chaque politique seront guidés – sous le magistère de Trump – par le désir préalable de rendre l’Amérique « plus sûre, plus forte et plus prospère ». En somme, les opposants aux différents dirigeants africains ne doivent surtout pas compter sur l’Oncle Sam.
Le réalisme pour contrer la Russie ?
Les rédacteurs du rapport Mo Ibrahim sur la gouvernance peuvent toujours continuer à pointer le recul de la démocratie sur le continent. Tant que les Etats-Unis ne seront pas menacés notamment dans leur sécurité ou leurs intérêts économiques et stratégiques, ils ne lèveront pas le moindre doigt. Aux yeux de Marco Rubio, les dictateurs dignes d’intérêt sont ceux de Moscou, Téhéran et Pyongyang. A priori, cette nouvelle doctrine, les dirigeants de l’AES et leurs partisans ne devraient point s’en plaindre. En effet, plus globalement, on voit émerger dans les rangs de la jeunesse africaine, une tendance politique orientée vers la souveraineté du continent en particulier à l’égard des puissances occidentales. C’est dire que dans ces milieux-là, la doctrine du ‘’America first’’ pourrait bien trouver un écho favorable. Même s’il aurait fallu que la même jeunesse qui aspire à plus d’indépendance pousse avec la même détermination en vue de l’instauration d’une gouvernance plus vertueuse et d’une justice plus équitable dans nos différents pays. Hélas !
Le pragmatisme de Trump, un maigre espoir
On espère néanmoins que le pragmatisme avec lequel Donald Trump a tendance à gérer les choses aidera à trouver un dénouement aux guerres au Soudan et entre le M23 et la RD Congo. En tout cas, avec l’approche de la « paix par la force » qu’entend utiliser le futur chef de la diplomatie américaine, on espère que la nouvelle administration saura mieux se faire entendre par Paul Kagamé et les frères-ennemis soudanais. Par contre, avec la tension qui prévaut entre les différentes juntes au Sahel et la communauté internationale, on imagine que l’impact des Etats-Unis sur la lutte contre le terrorisme dans cette région demeurera encore marginal. Même s’il ne faut pas exclure qu’en raison de l’influence grandissante que la Russie y a prise, le nouveau président américain puisse envisager les choses avec un brin de réalisme. Quitte à isoler la France et l’Union européenne.
Lubies de Blancs idéalistes
Sur le front de la transition énergétique, l’Afrique aura certainement un plus difficultés à faire passer son plaidoyer pour une grande contribution de la part des puissances polluantes. Vu que les observateurs prédisent même une remise en cause par les Etats-Unis de l’ensemble des acquis que le monde avait péniblement réussi à engranger jusqu’ici. Climato-sceptique assumé, Trump pourrait même conforter ceux des Africains qui assimilent les défis climatiques à des lubies de Blancs idéalistes. Ce qui serait d’autant plus dommageable au continent, très peu préparé à faire face aux conséquences bien réelles du dérèglement climatique.
Des prières à la portée hypothétique
Enfin, l’hostilité que le nouveau président américain voue aux immigrés est une source de préoccupation en Afrique, dans la mesure où des milliers de ressortissants africains en situation irrégulière, pourraient être expulsés par la nouvelle administration. Pour qui connait ce que ces derniers rapportent surtout à leurs familles pour lesquelles ils représentent une indispensable couverture sociale, on imagine la peine avec laquelle cette sombre perspective doit être envisagée sur le continent. En silence, dans les différentes familles, on prie pour que le président américain n’aille pas au-delà des annonces propres à la campagne électorale. On prie également pour que les nombreuses demandes d’asile introduites par des migrants africains soient couronnées de réponses favorables. Mais en dehors de ces prières dont la portée demeure somme toute hypothétique, il ne restera à ces parents qu’à mettre la pression pour que les dirigeants africains fassent du continent un paradis qui attire ses fils au lieu de les pousser sur les chemins périlleux de l’exil.
Thierno Amadou Diallo