Dans le silence des bureaux, un fléau silencieux se propage, laissant des cicatrices invisibles mais profondes. Le harcèlement émotionnel, une forme insidieuse de violence psychologique, qui détruit des vies et brise des âmes. Aujourd’hui, nous vous relayons le vécu de Sarah, une femme parmi tant d’autres dont le parcours témoigne de la réalité de cette forme d’abus. C’est l’histoire du harcèlement à la fois moral et émotionnel, là où le pouvoir se transforme en poison.
Sarah est une jeune femme dans la vingtaine. Très jolie, ambitieuse et pleine d’avenir. Elle a vécu un cauchemar insidieux. Pas de coups, pas de violence physique, mais un harcèlement émotionnel qui a rongé son âme. Son patron, un homme d’âge mûr, qui a transformé son lieu de travail en un théâtre de manipulation et de détresse.
« Au début, c’étaient des messages du genre : « Tu es bien habillée », « Qu’est-ce que tu veux manger cet après-midi ? ». « N’hésite pas, je suis comme un père pour toi, je peux t’offrir tout ce dont tu as besoin ». Mais je sentais qu’il y avait autre chose. Et c’était abusé. Quand je rentre à la maison, il m’écrit : « Tu es bien rentrée à la maison ? », « Tu te sens bien ? », « Comment tu te sens au bureau, tu n’as pas peur ? ». Mais je restais indifférente à tous ses messages », affirme-t-elle l’air gêné.
Poursuivant, elle ajoute : « Un autre jour, il m’a écrit encore pour me dire : moi, je suis amoureux de toi. Et quand j’ai vu le message, j’ai halluciné. Mais je suis restée calme, je n’ai pas répondu. Alors, je me suis déplacée avec tout mon courage et je lui ai dit : Patron, moi, je suis là dans le cadre du travail. Pas d’autres choses. Il me dit non, ne t’inquiète pas, on peut le faire sans que les gens s’en rendent compte. Je lui regardais les yeux grands ouverts. Il me dit : Oui, on peut sortir ensemble, communiquer au bureau, faire semblant, à travers les yeux, tout et tout. Alors là, c’était le comble ! ».
Malgré toute son indifférence, son patron insistait, allant jusqu’à déclarer : « Je veux faire ma vie avec toi ». L’écart d’âge, la position hiérarchique, tout cela créait un malaise profond chez Sarah.
« La Tabaski a mis en lumière l’attitude déplacée de mon patron. Un cadeau double, des versements de salaire gonflés, des avances explicites… Il essayait de m’acheter, c’est clair. Mais je ne suis pas à vendre. J’ai ma dignité, mes valeurs. Je suis là pour travailler, pas pour être sa maîtresse. J’ai beau lui avoir dit qu’il était trop vieux pour moi, il a insisté. Alors, j’ai choisi l’ignorance. C’est la seule langue qu’il semble comprendre », espérait-elle.
Toutefois, face à ses refus, le masque est tombé. Les primes de Sarah ont été supprimées, des mois de salaire envolés. Son patron, qui entretenait une relation avec une autre collègue, a monté cette dernière contre Sarah. L’isolement a commencé. Les rires, les conversations, elle en était exclue de tout. Sarah était devenue invisible, un fantôme à son lieu de travail. Le sentiment d’inutilité, de rejet, l’a envahi.
« Les choses ont commencé à changer, mais sur un plan plus personnel que professionnel. Mon salaire est arrivé de plus en plus tard, jusqu’à ce que je sois coupé de ma prime pendant des mois. Un jour, il a même refusé un document que j’avais apporté, forçant mon chef à le ramener lui-même. Je me suis sentie humiliée. J’ai continué à venir, même sans être payée. Mais c’était de plus en plus dur, il me mettait à l’écart, donnait du travail aux autres, mais pas à moi. Il y avait cette collègue aussi dans la boîte qui sortait avec le patron. Elle me regardait de travers, jalouse, sûrement parce qu’elle voyait que le patron s’intéressait à moi. Mais moi, je n’étais pas là pour ça et elle ne pouvait pas comprendre cela », explique-t-elle.
Après trois ans de torture psychologique, Sarah a pris la décision de partir : « J’ai décidé de partir parce que mon éducation ne me permet pas de faire ce genre de chose. J’ai étudié, j’ai eu mon bac par la grande porte, pas par la petite porte. J’ai fait l’université, j’ai terminé, j’ai fait des formations annexes. Donc, je ne peux pas rester là à faire une autre vie. Moi, j’appelle ça une autre vie. Donc, je ne peux pas me mettre à sa disposition comme une fille qui ne sait pas ce qu’elle veut. Je préfère rester à la maison en attendant de chercher un autre boulot au lieu de rester esclave d’un patron. Parce que, moi, j’appelle ça de l’esclavagisme ».
JRI de l’ombre