Finalement, les observateurs n’avaient guère tort. Le clin d’œil que le président algérien envoyait récemment à son homologue français, à travers une interview diffusée par la télévision algérienne, était bien un signe d’apaisement. C’est en tout cas ce qu’il convient de déduire des derniers développements dans les relations entre Alger et Paris. En particulier, l’échange téléphonique qu’Emmanuel Macron a eu ce lundi 31 mars avec son homologue, Abdelmadjid Tebboune, matérialise un peu plus le désir des deux dirigeants de pacifier les relations entre leurs pays. Une volonté réciproque de décrispation qu’ils ont d’ailleurs tous deux reconnue dans le communiqué conjoint qu’ils ont ensuite publié. Macron et Tebboune triomphent donc des va-t’en-guerre et autres radicaux des deux camps. Car, au final, ils ont tous deux admis que les intérêts réciproques sont plus importants que les différends que certains s’amusaient à attiser à dessein.
Ainsi, Emmanuel Macron semble avoir encore plus de marges de manœuvre qu’on ne l’imaginait. En effet, le dénouement pratiquement acté de la crise diplomatique entre Paris et Alger constitue bien le triomphe du président français sur certains de ses ministres. Depuis l’éclatement de cette crise en juillet dernier, Macron faisait partie de ceux qui ne souhaitaient pas qu’elle dégénère. Dans un contexte difficile, lui et son ministre des Affaires étrangères, en faisant le dos rond, se sont évertués à défendre la voie de la raison. Ce, malgré la pression intense et le chantage politique exercés par les radicaux, représentés par Bruno Retailleau. Cependant, il n’y a pas qu’en France que certains ont opté pour la raison. Du côté de l’Algérie aussi, il convient de reconnaître qu’Abdelmadjid Tebboune a réagi avec discernement lorsqu’il le fallait. Lui aussi a compris que la surenchère verbale par médias interposés était sans issue. L’Algérie, dont la diaspora est particulièrement présente en Afrique, n’avait surtout aucun intérêt à ce que l’escalade se poursuive. D’autant que cette diaspora joue un rôle crucial dans l’essor économique et le rayonnement culturel du pays. Bref, l’escalade n’était pas sans risques des deux côtés. Il a suffi que les deux dirigeants fassent preuve de lucidité pour en prendre conscience.
Que les présidents Macron et Tebboune aient décidé de reprendre la coopération sécuritaire et de traiter les questions migratoires est un signe positif, qu’il convient de saluer. Surtout lorsque l’on se souvient de l’état des relations entre les deux pays il y a à peine quelques semaines. L’annonce du déplacement imminent du ministre français des Affaires étrangères à Alger traduit également toute la volonté politique de mettre un terme à cette crise. Mais avouons-le, il reste des dossiers épineux contre lesquels cette volonté pourrait se heurter. En premier lieu, il y a l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, récemment condamné à cinq ans de prison. Pour Paris, un dénouement de la crise qui ne permettrait pas sa libération serait perçu comme une capitulation. En théorie, une simple grâce présidentielle pourrait résoudre ce problème. Mais il est fort probable qu’en contrepartie, Alger exigera quelque chose sur le dossier des migrants algériens en France. La France devra-t-elle renoncer à expulser certains influenceurs que l’Algérie se refuse à accueillir ? Comme on le voit, bien qu’un dégel soit en cours, il reste encore quelques nœuds à défaire avant de pouvoir crier victoire avec un grand « V ».
Boubacar Sanso Barry