C’est le ministre des Affaires du Rwanda, J.-P. Nduhungirehe, qui a lui-même annoncé à la télévision d’Etat que son pays est en pourparlers avec les Etats-Unis en vue d’accueillir un contingent de migrants que ne veut plus Donald Trump sur le sol américain. Comme pour dire que ce désir d’accueillir des migrants renvoyés d’ailleurs, le Rwanda l’assume et le revendique. Au point que le pays de Paul Kagamé semble même en être fier. Sauf qu’on peine à comprendre ce qui peut conférer de la fierté dans le fait de jouer ce rôle à priori plutôt gênant de servir tantôt de complice, tantôt de valet à des puissances généralement occidentales ne voulant pas de migrants souvent noirs. Ce qui est sûr c’est que les supposées motivations humanitaires ne peuvent guère expliquer cet élan. Les défis démographiques propres au Rwanda, quant à eux, le rendent totalement absurde. Il ne resterait alors que les mobiles économiques, vu qu’à l’image de l’expérience avec le Royaume Uni, Paul Kagamé peut en attendre des financements. Seulement, on croyait que le président rwandais avait une plus haute estime de lui-même.
Pourparlers similaires
Avec l’expérience ratée avec le Royaume Uni, on pensait que Paul Kagamé définitivement dissuadé. Décidément, il n’en est rien. Car ce sont les autorités rwandaises qui viennent d’annoncer la signature en perspective d’un accord avec les Etats-Unis permettant au président Donald Trump de renvoyer au Rwanda des migrants désormais indésirables sur le sol américain. Le ministre des Affaires étrangères du Rwanda s’est certes empressé de préciser qu’il serait encore « prématuré de tirer des conclusions quant à l’issue des pourparlers avec les Américains ». N’empêche, l’essentiel est ailleurs. D’autant que ce n’est pas la première fois que le Rwanda se signale dans des pourparlers similaires. Déjà, le pays avait accueilli des migrants africains désireux de rallier l’Europe, mais bloqués en Libye. Il avait également servi de pays de relocalisation pour des migrants rejetés par Israël. Enfin, le Danemark, dans son désir de limiter l’invasion de son territoire, avait également voulu s’attacher les services de ce petit pays de l’Afrique de l’Est.
Une obsession
Il s’en dégage que le Rwanda veut faire de ce statut attitré de gendarme anti-immigration, sa spécialité. On se demande simplement pourquoi ? Comment en effet un minuscule pays de seulement 26 336 km2 pour plus de 13 millions d’habitants, voudrait-il aller se chercher des problèmes, en prétendant accueillir tous ceux que les autres ne veulent pas recevoir chez eux ? Cette obsession de Paul Kagamé est d’autant plus curieuse que dans certains des accords, certaines clauses stipulent que les migrants accueillis peuvent finalement s’installer définitivement au Rwanda ? En gros, le pays qui se plaint d’héberger plusieurs milliers de réfugiés congolais (de la RDC) et Burundais notamment, veut ouvrir grandes ses portes pour accueillir des milliers de migrants renvoyés de pays qui sont pourtant mieux pourvus pour les accueillir !
Motivation mercantile…et influence
Mais justement, l’explication est peut-être dans cette ambivalence. D’une part, on proteste et on se plaint des réfugiés venant des pays voisins. Mais d’autre part, on prie les autres de nous emmener ceux qui sont de trop chez eux ! La motivation bassement mercantile émerge ici tout naturellement. De fait, l’accueil des migrants venant de la seconde catégorie de pays est toujours assorti de versement de fortes sommes. Dans le cas de la Grande Bretagne, le Rwanda devait en tirer près de 600 millions d’euros. On imagine qu’avec l’accord en perspective avec les Etats-Unis, on sera dans cet ordre-là. Mais il n’y a certainement pas que les espèces sonnantes et trébuchantes qui font marcher Kigali. On sait aussi que Paul Kagamé est en quête effrénée d’influence. Pour cela, il doit pouvoir s’entendre avec quelques grands décideurs du monde. Des partenaires ou amis – c’est selon – qui soient en mesure de le soutenir ou de le défendre quand c’est nécessaire. C’est ainsi qu’il se fait des obligés parmi quelques dirigeants africains, en déployant au côté de ceux-ci des troupes susceptibles de les épauler dans des défis sécuritaires auxquels ils font face. Avec les Etats-Unis prochainement et la Grande Bretagne, il y a quelques trois, c’est l’autre attente qu’il espère en offrant le Rwanda comme une destination de substitution pour les migrants refoulés de ces pays.
Se servir en pillant
Ne pouvant obtenir de ses voisins congolais et burundais, ni enveloppes consistantes, ni influence particulière, le président rwandais ne que se plaindre de leurs refugiés qu’il accueille dans son pays. Encore que dans le cas de la RD Congo, les choses sont à nuancer. Car s’il est vrai qu’il ne reçoit pas une enveloppe en vertu d’un accord, il récolte davantage en faisant piller l’est du pays par les rebelles qu’il soutient.
Boubacar Sanso Barry