Ça y est, le trône du Saint-Siège a un nouvel occupant. Finalement, les choses n’ont pas traîné. Aux 133 cardinaux réunis en conclave depuis mercredi dernier, il aura fallu 24 heures et quatre tours de scrutin pour s’accorder sur le successeur du pape François. Le nouveau souverain pontife se nomme Robert Francis Prevost. Premier pape américain, il a choisi pour nom Léon XIV. Mais le 267ᵉ pape ne sera pas noir. Une petite déception pour tous ceux, notamment en Afrique, qui espéraient — sans trop y croire — que l’Église catholique irait jusqu’au bout de sa logique d’ouverture vers la périphérie, en élisant pour la première fois un pape à la peau foncée. Décidément, la marche reste encore haute. L’Afrique peut néanmoins se consoler à l’idée que le nouveau pape pourrait, à l’image de son prédécesseur, se montrer très sensible aux préoccupations et enjeux du continent noir.
D’une certaine façon, Léon XIV a déjoué les pronostics. En effet, le cardinal Robert Francis Prevost n’était pas parmi les favoris les plus cités pour succéder à François. Son nom ne se démarquait pas particulièrement dans les shortlists qui circulaient depuis deux semaines. Mais à 69 ans, c’est bien lui qui occupera désormais le trône du Saint-Siège. Ainsi en ont décidé les 133 cardinaux électeurs. Et les fidèles semblent s’en contenter, y compris en Afrique, où beaucoup espéraient pourtant voir le choix se porter sur le Guinéen Robert Sarah ou le Congolais Fridolin Ambongo Besungu.
Intérieurement, il y a donc une petite déception en Afrique. Mais personne ne veut trop s’y attarder. Avec l’élection de Léon XIV, on préfère voir le verre à moitié plein. Certes, le fait qu’il soit Américain, comme Donald Trump, a d’abord suscité quelques appréhensions. Mais celles-ci ont vite été balayées par d’autres éléments de son parcours. En particulier, son long séjour de missionnaire au Pérou a rassuré de nombreux observateurs africains. Cela en fait un pape qui connaît les contrées reculées que l’on qualifie de « périphériques ». Par ailleurs, en tant qu’ancien préfet du Dicastère pour les évêques, il est censé être bien au fait des préoccupations majeures des pays africains : pauvreté, corruption, conflits.
Le nom Léon XIV qu’il s’est choisi est également porteur d’espoir pour les peuples dits « faibles ». On veut croire en effet qu’il s’inscrira dans l’esprit de l’encyclique Rerum Novarum de son lointain prédécesseur, Léon XIII. Considéré comme le père de la doctrine sociale de l’Église catholique, ce dernier s’était élevé contre « la concentration, entre les mains de quelques-uns, de l’industrie et du commerce devenus le partage d’un petit nombre d’hommes opulents et de ploutocrates, qui imposent ainsi un joug presque servile à l’infinie multitude des prolétaires ». Même si ces mots remontent à plus d’un siècle, ils conservent une résonance très actuelle pour les peuples qui végètent encore dans la misère, tandis que des multinationales occidentales tirent des milliards de dollars de l’exploitation de leurs ressources.
De même, en dédiant son pontificat à la promotion de la paix, le pape Léon XIV envoie un message auquel on sera sensible en RD Congo, au Soudan ou encore au Sahel. Mieux encore, avec son opposition idéologique à l’homosexualité, le nouveau souverain pontife pourrait même, aux yeux de nombreux Africains, surpasser le pape François.
En attendant, les regards africains, entre espoir et vigilance, restent tournés vers Rome. Car au-delà de l’origine et de la couleur de peau, c’est surtout la capacité du nouveau pape à porter la voix des oubliés du monde qui déterminera la trace que Léon XIV laissera dans l’histoire. Le continent noir, lui, garde encore intact son rêve : celui de voir, un jour, l’Église universelle couronner un fils de son sol.
Boubacar Sanso Barry