Il est venu le temps d’un discours de vérité, d’un discours ni accusateur ni soumis, mais profondément ancré dans le réel. Avec cette tribune, j’ai voulu poser un regard exigeant, mais juste, sur un pan douloureux de notre histoire commune, celui des relations complexes, parfois toxiques, parfois fécondes, entre l’Afrique francophone et la France.
Oui, la Françafrique existe. Elle n’est pas une fiction. C’est un système né au lendemain des indépendances, dans lequel les liens de domination se sont réinventés sous les habits de la coopération. Ce système a permis à certains régimes africains de se maintenir au pouvoir au détriment des peuples, pendant qu’il garantissait à certaines puissances étrangères, notamment la France, un accès privilégié à nos matières premières, à nos leviers de décision et à nos espaces stratégiques.
Mais il ne s’agit pas ici de désigner un bouc-émissaire. Ce livre n’est pas une charge contre la France, il n’est pas une incantation anti-occidentale. Il est un appel à la lucidité. Car les responsabilités sont partagées. Nos élites, souvent complices, ont accepté les chaînes dorées. Nos institutions, parfois affaiblies de l’intérieur, ont favorisé la reproduction de schémas injustes. Il faut donc regarder l’histoire en face, sans passion destructrice, mais avec la volonté sincère d’en sortir plus grands.
Une histoire commune à réinventer
La Françafrique est une histoire commune, douloureuse certes, mais commune. Elle a produit des blessures, des silences, des rendez-vous manqués. Mais elle a aussi produit des échanges, des métissages, des passerelles culturelles, humaines et intellectuelles. Elle a laissé des traces ambiguës, que nous avons le devoir d’interroger avec maturité.
Aujourd’hui, nous avons une opportunité historique, celle de réinventer cette relation sur une base plus juste, plus transparente, plus respectueuse. L’Afrique ne doit plus être perçue comme une arrière-cour stratégique, mais comme un partenaire à part entière, riche de son intelligence, de sa jeunesse, de sa créativité.
La France, quant à elle, ne gagnera rien à s’accrocher à des privilèges d’un autre siècle. Elle a, au contraire, beaucoup à gagner à accompagner l’Afrique vers sa souveraineté pleine et entière. Non par paternalisme, mais par conviction partagée que l’avenir du monde repose sur de nouvelles alliances, bâties sur la réciprocité et la confiance.
Afrique forte est possible
L’essai Mes Cris Panafricains est avant tout un acte de foi. Foi en la capacité de notre continent à se relever. Foi en une Afrique qui sortira du cycle de la dépendance, non par l’isolement, mais par la coopération choisie. Une Afrique qui contrôle ses ressources, valorise ses savoirs, défend ses langues, promeut ses cultures, construit ses États sur l’éthique, le mérite et la participation citoyenne.
Nos alternatives existent, monnaie commune africaine, corridors économiques interrégionaux, intégration culturelle, souveraineté alimentaire, industrialisation endogène, leadership générationnel, réhabilitation du service public. Il ne s’agit pas de rêver naïvement, mais d’agir résolument.
Ce livre est un cri, mais pas un cri de colère contre autrui. C’est un cri d’éveil, un cri de dignité, un cri d’avenir. Il ne cherche pas à humilier, mais à responsabiliser. Il ne prêche ni la haine ni le repli, mais le réveil. Un réveil panafricain, conscient que notre libération ne viendra ni de Paris, ni de Washington, mais d’une volonté africaine partagée, structurée, orientée vers l’intérêt collectif.
Travailler avec la France ? Oui, mais autrement. Sur des bases saines. L’Afrique de demain se construira avec des partenaires dignes, respectueux, clairs dans leurs intentions. Et la France a le choix d’en faire partie. Mais nous, Africains, avons surtout le devoir de bâtir, d’unir, de faire naître l’Afrique que nous méritons. Car aucun peuple au monde ne peut confier son destin à d’autres.
Nanamoudou Dabo