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50 ans de la CEDEAO : un historien met en garde contre l’impact de l’AES sur l’unité régionale

Ce 28 mai 2025 marque le cinquantenaire de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Créée en 1975 à Lagos par quinze États ouest-africains, cette organisation régionale avait pour ambition de promouvoir l’intégration économique, la libre circulation des personnes et des biens, ainsi que la paix et la stabilité dans la sous-région. Un demi-siècle plus tard, le bilan est mitigé, et l’institution traverse l’une des crises les plus profondes de son histoire, marquée par le départ de plusieurs États membres. À Kankan, dans l’est de la Guinée, Dr Ibrahima Kalil Sacko, historien et enseignant-chercheur à l’université Julius Nyerere, analyse avec lucidité l’évolution de cette organisation et les menaces qui pèsent désormais sur son avenir.

« La CEDEAO a eu des réussites importantes, mais elle n’a pas su répondre à toutes les attentes des peuples ouest-africains », affirme-t-il d’emblée.

Depuis sa création, la CEDEAO a joué un rôle central dans la consolidation des liens économiques et politiques entre les États membres. L’adoption du protocole sur la libre circulation des personnes et des biens, l’harmonisation des politiques commerciales ou encore l’intervention de la force sous-régionale (ECOMOG) dans certaines crises politiques sont souvent citées comme des succès notables.

Dr Sacko rappelle que l’organisation a été active dans la médiation de plusieurs conflits :

« La CEDEAO a su intervenir avec efficacité dans des crises majeures comme celles du Liberia, de la Sierra Leone ou de la Guinée-Bissau. Elle a aussi permis une certaine stabilité politique dans la région pendant des décennies », a-t-il déclaré.

Mais ces avancées ont été freinées par de nombreuses faiblesses : lenteurs bureaucratiques, désaccords entre chefs d’État, manque de moyens et, surtout, l’incapacité à anticiper et gérer les ruptures politiques majeures, notamment les coups d’État militaires qui se sont multipliés ces dernières années.

En 2024, le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dirigés par des juntes militaires, ont annoncé leur retrait de la CEDEAO, en réaction aux sanctions imposées par l’organisation après les changements de régime anticonstitutionnels. Ces pays ont par la suite créé l’Alliance des États du Sahel (AES), une alliance politique et militaire visant à renforcer leur coopération sécuritaire, économique et diplomatique.

Pour Dr Sacko, cette rupture n’est pas anodine.

« La formation de l’AES représente une fracture dans l’unité régionale. C’est un revers pour la CEDEAO, qui aurait dû jouer un rôle de médiation plus inclusif au lieu de recourir rapidement aux sanctions. Cette désolidarisation montre que l’institution est perçue comme inefficace ou partiale par certains de ses membres », a-t-il soutenu.

Il estime que l’approche punitive a davantage creusé les divisions que résolu les problèmes.

« Il est urgent de repenser le fonctionnement de la CEDEAO. Elle doit se doter d’un mécanisme de dialogue permanent, capable de prévenir les crises avant qu’elles ne dégénèrent. La priorité doit être la défense des intérêts du continent, pas l’application rigide de principes sans contexte », a-t-il affirmé.

L’historien invite les dirigeants ouest-africains à un sursaut collectif pour redonner à la CEDEAO son rôle de pilier de l’unité régionale.

« Ce cinquantième anniversaire doit être un moment de réflexion profonde. Il faut revoir les textes, renforcer la gouvernance interne, écouter les aspirations des peuples et éviter la création de blocs parallèles qui affaiblissent notre cohésion. L’Afrique de l’Ouest a besoin d’une CEDEAO forte, crédible et proche des réalités », a-t-il confié.

Alors que les tensions entre blocs régionaux s’intensifient, l’avenir de la CEDEAO semble suspendu à sa capacité à se réformer et à restaurer la confiance entre ses membres. Un défi immense, mais crucial, pour l’avenir de la sous-région.

Michel Yaradouno, depuis Kankan 

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