En théorie, l’Afrique n’est pas la première cible de la politique migratoire particulièrement restrictive mise en œuvre par l’administration Trump, symbolisée ces derniers jours par des opérations massives d’expulsion de migrants en situation irrégulière. Mais dans les faits, le continent noir ne sera guère épargné. Entre les interdictions d’entrée sur le sol américain imposées à certains pays, les expulsions expéditives de ressortissants étrangers en situation irrégulière et la menace de taxation des transferts de fonds de la diaspora, l’Afrique pourrait être frappée d’une multitude de façons. A cela s’ajoute une réduction drastique de l’aide américaine à destination des pays étrangers. Pour l’Afrique, le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche pourrait bien avoir des conséquences profondes. Et pourtant, sur le continent, ces décisions sont accueillies avec un certain fatalisme.
L’Afrique concernée de près
Les images des manifestations qui secouent actuellement les rues de Los Angeles, entre protestataires opposés aux expulsions et forces de l’ordre mobilisées sur ordre du président américain, peuvent sembler lointaines, mais elles concernent de près l’Afrique. Car parmi les migrants illégaux visés par ces rafles, une part non négligeable viendra du continent. Leur expulsion massive posera plusieurs défis. D’abord, une pression sociale supplémentaire dans des pays déjà fragiles, mais aussi un manque à gagner pour des milliers de familles qui dépendent de leurs proches établis aux Etats-Unis pour survivre.
Des réactions empreintes de malaise
Au-delà de ces expulsions, la question des transferts de fonds est également au cœur des inquiétudes. L’administration Trump envisage de relever les taxes sur les sommes envoyées par les diasporas notamment africaines vers leurs pays d’origine. Ces envois, pourtant essentiels à la survie de nombreuses familles et au soutien des économies locales, pourraient ainsi diminuer. A cela s’ajoute la politique de « Travel ban » qui limite ou interdit l’accès au territoire américain à certains pays. Sur les dix-neufs pays visés, dix sont africains. Les réactions hésitantes empreintes d’un malaise à peine voilé de l’Union africaine, du Tchad ou du Congo-Brazzaville face à cette mesure révèlent à quel point le continent est démuni face à cette autre mesure anti-migratoire. Le cas du Tchad, qui a brandi la menace plutôt risible de mesures de réciprocité, illustre parfaitement cette impuissance. Une menace plus symbolique que réelle, tant les rapports de force sont déséquilibrés.
L’Afrique désarmée…
Et c’est là que réside le cœur du problème : l’Afrique apparaît désarmée face à Donald Trump et à sa politique de fermeture. Elle n’offre que peu de perspectives à ceux qui reviennent ou à ceux qui rêvent encore de partir. Plus de soixante ans après les indépendances, le continent dépend encore largement des aides extérieures pour faire fonctionner ses secteurs vitaux. Entre un système éducatif au rabais et concentré en milieu urbain, des potentiels agricoles laissés en friche et un tissu industriel embryonnaire, l’Afrique peine à proposer un avenir à sa jeunesse toujours plus nombreuse. Mais en dehors de ces faiblesses structurelles connues, le véritable handicap est ailleurs : c’est l’incapacité, jusqu’ici, à impulser un sursaut collectif face à cette politique d’enfermement que met en place le président américain. Aucun signe d’une volonté de réflexion coordonnée à l’échelle panafricaine pour faire face à cette nouvelle donne. Silence des institutions, apathie des dirigeants : tout se passe comme si l’on s’en remettait, une fois encore, au hasard ou à la providence.
Alors que les défis s’accumulent, l’Afrique donne ainsi l’impression de se contenter d’un constat d’impuissance. En somme : « Circulez, il n’y a rien à voir. »
Boubacar Sanso Barry