L’élection présidentielle prévue en octobre prochain au Cameroun pourrait-elle enfin contraindre Paul Biya à la retraite ? Jusqu’à très récemment, personne n’aurait osé poser une telle question, ni au Cameroun ni au-delà de ses frontières. Tant les Camerounais semblaient s’être résignés à l’idée que seul le trépas mettrait un terme au règne du plus vieux président en exercice dans le monde. Pourtant, les candidatures récemment annoncées par Issa Tchiroma Bakary, du Front national pour le salut du Cameroun (FNSC), et Bello Bouba Maïgari, de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (UNDP), laissent entrevoir une perspective inédite. Historiques alliés du président Biya — le premier ayant récemment quitté le gouvernement, le second y siégeant encore — ces deux figures politiques, influentes notamment dans le septentrion camerounais, ne semblent pas en position de remporter l’élection face à un Paul Biya, certes vieillissant, mais solidement accroché au pouvoir. Et pourtant, leur candidature sonne comme un signal : celui d’une rupture politique, d’un essoufflement du système et peut-être même d’une fin de règne.
Des candidatures qui méritent réflexion
Le président camerounais, ainsi que ceux qui le poussent à briguer un huitième mandat, devraient savoir lire ces signes et s’imprégner du message qu’ils véhiculent. Car les récentes évolutions dans le paysage politique du pays ne sont pas anodines. Que d’anciens ministres, jusqu’ici loyaux et parfois même zélés, se découvrent soudain une vocation d’opposants, mérite réflexion. Surtout lorsqu’ils se dressent contre un président âgé de 92 ans, affaibli tant par l’usure du pouvoir que par une santé déclinante. La posture de Issa Tchiroma Bakary et de Bello Bouba Maïgari peut certes apparaître opportuniste. Elle rappelle ces moments où les rats quittent un navire en perdition. Tous deux semblent aujourd’hui soucieux de se désolidariser du lourd héritage de Paul Biya. Mais qu’est-ce que cela traduit au fond ?
Deux hypothèses
Deux hypothèses sont envisageables. Soit ces anciens fidèles ont perçu une lassitude profonde au sein de la population camerounaise, épuisée par plus de quarante ans d’un régime autoritaire, et pensent que l’heure du changement a sonné. Dans ce cas, ils chercheraient à se repositionner, à capter l’attention d’un électorat qui réclame une alternance, pour mieux peser dans le Cameroun post-Biya. Soit, ils savent ou pressentent que Paul Biya est à bout. Que son âge et son état de santé rendent une nouvelle candidature incertaine, voire impossible. Et dans ce cas, ils ne se positionnent pas seulement contre lui, mais surtout comme prétendants à sa succession, dans un contexte où l’horizon du pouvoir semble s’éclaircir.
Les Camerounais doivent se réapproprier leur destin
Dans tous les cas, le fait qu’ils s’autorisent aujourd’hui à lui tenir tête publiquement indique qu’ils ne redoutent plus grand-chose du chef de l’Etat. Et quand, dans un régime ultra-présidentialisé, des proches n’ont plus peur de se démarquer du leader, c’est souvent que la sortie est proche. Ces signes avant-coureurs, les Camerounais devraient aussi les saisir. Autant ils ne doivent pas se résigner à laisser Paul Biya s’octroyer le mandat de trop, autant ils ne doivent pas se laisser berner par des opportunistes habiles à surfer sur l’ambiance de fin de règne d’un pouvoir dont ils sont pourtant largement comptables. Après plus de quarante ans d’un immobilisme politique aux conséquences incalculables, le Cameroun et les Camerounais ont, en cette année 2025, une occasion historique de se réapproprier un destin dont ils ont été trop longtemps dépossédés. Et cette occasion, ils doivent la saisir.
Boubacar Sanso Barry