La capitale guinéenne a accueilli vendredi dernier une rencontre inédite entre journalistes venus de plusieurs pays de la sous-région ouest-africaine, notamment du Sénégal, du Burkina Faso, du Mali et de la Guinée. Baptisé Rencontre des Journalistes Africains de Conakry (REJAC), l’événement a été un véritable creuset de réflexions autour de trois thématiques majeures qui interpellent la presse en ces moments où le numérique semble s’imposer.
Durant cette journée riche en échanges, trois panels ont animé les débats. Le premier a mis en lumière les défis et opportunités qu’offre l’intelligence artificielle (IA) au journalisme. Le second a questionné l’avenir de la presse écrite face à l’omniprésence du numérique, tandis que le troisième a soulevé des interrogations cruciales sur la manipulation de l’information, un fléau devenu global.
Ismaël Ouédraogo, journaliste éditorialiste et directeur général de la télévision Burkina Info basée à Ouagadougou, s’est félicité de la pertinence des échanges. « C’était un magnifique moment d’échange, un rendez-vous du donner et du recevoir. La manipulation est une réalité dans nos pays en transition. Parler aussi de l’IA et du numérique était essentiel, car cela touche directement la manière dont nous pratiquons notre métier aujourd’hui », a-t-il martelé.
Pour lui, il est urgent que les journalistes s’adaptent aux bouleversements technologiques tout en respectant les principes fondamentaux de la profession, notamment l’éthique, la déontologie et la vérification des sources. Il rappelle également que la manipulation de l’information n’est pas une spécificité africaine. « Même dans la première démocratie du monde, les médias sont accusés de “fake news” par les dirigeants. Cela montre que les médias, partout, font face à des pressions », a-t-il affirmé.
Pour Sekou Tangara, directeur de l’information la chaine panafricaine, Africable, basée au Mali, l’IA représente un formidable outil, à condition qu’elle soit utilisée avec discernement. « L’IA ne doit pas remplacer le journaliste. Elle peut être utilisée pour la transcription ou l’analyse, mais elle ne peut en aucun cas remplacer la rigueur, l’objectivité et l’esprit critique du journaliste », a-t-il indiqué.
Le passage du papier au digital reste un autre chantier incontournable. Les intervenants ont souligné la nécessité pour les médias écrits de repenser leurs modèles économiques et éditoriaux, afin de survivre dans un environnement dominé par les réseaux sociaux, les blogs et les formats audiovisuels courts.
Les témoignages des journalistes burkinabé et malien ont mis en lumière les tensions entre médias et pouvoir en place dans les pays en transition. « Nous vivons dans un régime d’exception, ce n’est pas facile. Mais malgré cela, les médias tentent de faire leur travail », confie Ismaël Ouédraogo, tout en soulignant l’importance de maintenir un engagement patriotique dans la lutte contre l’insécurité et pour la paix.
Sekou Tangara, quant à lui, parle d’un contexte de méfiance entre les autorités de transition et les journalistes. Il appelle à plus de pédagogie et de sensibilisation pour faire comprendre aux gouvernants que la liberté d’expression n’est pas une menace, mais un atout pour la démocratie.
Ils appellent à des formations continues, à la solidarité entre professionnels, et à une adaptation stratégique face aux innovations technologiques.
Thierno Amadou Diallo