En Guinée, le retour des pèlerins du Hadj dépasse largement le cadre religieux. Il donne lieu à des célébrations sociales et culturelles spectaculaires. Les « El Hadj » et « Hadja » sont accueillis avec faste, souvent par des réceptions somptueuses, des liasses de billets en banderole, ou encore des bouquets mêlant argent et fleurs. Face à ces pratiques, l’imam Alhassane Sidibé tient à rappeler la distinction fondamentale entre les rites islamiques du Hadj et les coutumes locales qui les entourent.
L’imam Sidibé rappelle avec insistance que le pèlerinage à La Mecque est l’un des cinq piliers de l’islam, obligatoire pour toute personne en ayant les moyens physiques et financiers. Il compare cette obligation à l’accomplissement des prières quotidiennes, soulignant son importance capitale dans la foi musulmane.
Deux visions du Hajj : Orient vs Afrique
Alors que dans le monde arabe, le retour du pèlerin s’accompagne d’une reprise immédiate de la vie quotidienne, en Afrique de l’Ouest, et particulièrement en Guinée, cet événement prend une dimension à la fois sociale et culturelle. «L’accueil que nous avons ici est purement social. Il n’y a rien de religieux dedans», affirme l’imam. Il rappelle qu’autrefois, le Hajj était un événement rare et exceptionnel : une personne accomplissant le pèlerinage devenait un symbole d’honneur pour tout un village, justifiant des cérémonies fastueuses.
Des pratiques sans fondement religieux
L’imam Sidibé critique ouvertement certaines pratiques locales qui entourent le retour des pèlerins. Il cite notamment la coutume des « 40 jours » durant lesquels le pèlerin reste chez lui pour recevoir les félicitations. Selon lui, cette tradition n’a aucun fondement dans les textes islamiques : ni le Coran ni les Hadiths n’en font mention.
Plus préoccupantes encore, selon lui, sont les manifestations festives telles que les « sôbits » — ces tenues collectives confectionnées pour accueillir les pèlerins — et les chants de louange directement adressés au fidèle. «Prendre et coudre des pagnes, aller chanter les louanges de l’intéressé, c’est ça qui est mauvais. Ce n’est pas bon en islam», insiste-t-il. Pour l’imam, cette forme d’adoration détourne le croyant de l’essentiel : l’accomplissement d’un devoir envers Allah, et non envers la société.
Le sacrifice : Un acte de gratitude, non une obligation
Quant aux sacrifices d’animaux pratiqués à l’occasion du retour du Hajj, l’imam Alhassane Sidibé précise qu’il ne s’agit pas d’une obligation religieuse. Toutefois, il n’est pas interdit de sacrifier un animal en signe de reconnaissance envers Dieu. «Quand Allah te fait quelque chose de bien, pour le remercier, tu fais un sacrifice. Ça, ce n’est pas mauvais. Parce qu’il t’a accordé Sa grâce», conclut-il. Il insiste néanmoins : il n’est écrit nulle part que ce sacrifice est requis au retour de La Mecque.
Binty Ahmed Touré