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KANKAN : l’igname en voie de disparition !

L’igname est en passe de devenir une denrée rare  sur le marché de Kankan. Au grand dam des consommateurs et du monde qui tirait profit de la filière. Il s’avère que plusieurs facteurs sont à l’origine de cette triste réalité… Enquête !

Dans la région de Kankan, jadis, l’igname était une des  principales cultures de subsistance. « A l’époque, la plupart des familles de Kankan déjeunaient avec. On en trouvait partout », témoigne, nostalgique, El hadj Mohamed Diane, imam de la mosquée de la Briqueterie. Il se souvient qu’à travers la ville, les femmes en préparaient pour vendre en raison de 100 GNF, le morceau. « A la gare routière, devant les magasins et plus généralement dans tous lieux de rencontre, tout le monde se régalait avec l’igname », poursuit le religieux. Cette période-là, il la regrette bien. Car depuis, les choses ont bien évolué. « L’igname a commencé à se faire rare sur le marché, puis dans les marmites », dit-il. La situation est telle aujourd’hui que, selon lui, il faut  débourser jusqu’à 2000 GNF pour s’offrir un morceau d’igname qui ne peut même pas soulager un jeune garçon.  Conséquence : « le pain et le café ont remplacé l’igname dans les habitudes alimentaires matinales. Certains même préfèrent s’acheter un plat de riz », fait observer un citoyen.

El Hadj Sidiki Kaba, lui aussi, a connu cette période faste du règne de l’igname dans la région de la savane. Aujourd’hui âgé de 70 ans, nous l’avons croisé se promenant à tout hasard entre les étals du marché Dibida. Tout de blanc vêtu et les bras noués au dos, il se rappelle : « ici, des camions étaient chaque jour remplis d’ignames pour diverses destinations. A tout moment, les magasins étaient remplis d’ignames. » Au-delà de son rôle dans l’alimentation locale, le tubercule était en outre, selon le vieil homme au centre d’une florissante affaire. « Le business de l’igname faisait le bonheur de beaucoup de gens : agriculteurs, transporteurs, vendeurs, populations, etc. », note-t-il

Mais ces aînés-là ont bien raison. On peut le constater le long des allées du marché central de Dibida. L’igname se fait rare désormais à Kankan. Yaka Bérété tient un petit stand de légumes. Autrefois, elle vendait des ignames cuites à travers le marché. Mais aujourd’hui, elle admet volontiers : « il n’y a pas assez d’igname, le prix reste très élevé. » Pour renchérir, Nagnouma Kourouma, vendeuse d’igname, précise : « avant, nous vendions plus de 300.000 GNF par jour. Mais aujourd’hui, il est difficile de trouver un seul client. Tout le monde pense que nos prix sont chers.» Une accusation dont elle se défend aussitôt : « nous achetons un sac à un prix exorbitant et à notre tour, nous revendons 4 tubercules de qualité à 40.000 »

Selon plusieurs témoignages concordants, la rareté de l’igname résulte du désintérêt progressif des agriculteurs pour cette catégorie de tubercules. À Sanah, district situé à 32 kilomètres de la commune urbaine de Kankan, Mory Konaté agriculteur, explique : « les terres ne sont plus fertiles comme avant et les engrais sont inabordables. Donc, il est difficile de produire de la bonne qualité, alors que les clients sont exigeants ». A cela il ajoute : « les frais de transport aussi sont élevés. Les chauffeurs se plaignent toujours de l’impraticabilité des routes. » Dans cette localité, un tas de dix tubercules s’achète à 20.000 GN, soit le prix auquel on pouvait acheter, dix ans plus tôt, une bassine remplie d’ignames.

Sollicité par notre correspondant, le président de l’Union Landaya de Sanah, un groupement de la localité, Ibrahima Konaté admet avoir reçu quelques appuis du gouvernement et partenaires. Toutefois, il souligne : « ce don remonte à très longtemps. A l’époque, ils avaient renforcé nos capacités de conservation des semences et nous ont donné un tricycle. Mais, c’est insuffisant pour une population de 1532 habitants, quasiment tous agriculteurs. » Selon lui, son groupement a besoin de nouvelles variétés de semences, des magasins de conservation d’ignames et des moyens de transport : « aujourd’hui, acheminer les produits vers la ville relève d’un parcours de combattant. Et après tout, ce sont les clients qui fixent les prix de nos cultures. C’est pourquoi beaucoup sont dans d’autres activités. »

En raison du désintérêt que revêt désormais l’igname, dans de nombreux villages relevant de Kankan, les jeunes qui, autrefois, étaient fortement impliqués dans l’agriculture  ont pris la direction des mines ou sont partis dans d’autres secteurs.

Toutefois, il nous aura été impossible de disposer des données chiffrées sur la production d’ignames dans la région de Kankan. D’autant que Mohamed Keita, directeur préfectoral de l’agriculture, n’en a pas lui non plus. « Je coordonne les activités des agriculteurs, mais ce n’est pas facile d’avoir des informations avec ces eux », se défend-il.

Depuis Kankan, Michel Yaradouno pour ledjely.com

Tel: 620 997 057

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