Le forum sur l’unité et la réconciliation des Katangais s’est achevé ce dimanche 22 mai 2022, à travers une messe célébrée dans l’enceinte de la cathédrale Saint-Pierre-et-Paul. Des recommandations ont été formulées à l’occasion dont celle invitant à aller vers le fédéralisme. Mais au-delà de tous les mots qui y ont été tenus et du pressant appel lancé par Mgr Fulgence Muteba en faveur de l’union sacrée des Katangais, c’est cette poignée de main entre l’ancien gouverneur de la province, Moïse Katumbi et l’ancien chef de l’Etat, Joseph Kabila qu’on en retiendra. Les initiateurs du forum s’évertuent à marteler que celui-ci n’a aucune visée politique. Mais comment ne pas voir un lien entre ces retrouvailles opportunes et les échéances électorales programmées dans un an ? D’autant que Kabila, s’estimant avoir été roulé, voudrait bien prendre sa revanche. Alors que Moïse Katumbi, pour sa part, à défaut de rafler le jackpot, ne cracherait point sur une occasion de peser davantage sur l’échiquier politique congolais.
Kabila, le revenant
En temps normal, une initiative de réconciliation, un président de la République se doit de s’en féliciter. Mais il est certain que Félix Tshisekedi n’a pas bondi de joie en visionnant cette poignée de main entre Moïse Katumbi et Joseph Kabila. Au contraire, il doit s’en être préoccupé. Parce qu’en politique averti, il sait pertinemment que cette démarche-là renvoie aux grandes manœuvres de la part de ses adversaires en prélude de la présidentielle de 2023. Déjà qu’il peine à se débarrasser du persévérant Martin Fayulu, s’il devait également affronter Joseph Kabila, revenant d’entre les morts politiques, les choses ne seraient guère faciles pour lui. Pourtant, qu’il ne s’y trompe pas. Un front Katumbi-Kabila est bien en gestation. Certes, les deux ont été divergents à un moment donné. Mais par rapport au défi que leur pose le cas Tshiskedi, ils semblent être arrivés à la conclusion que leur contradiction est mineure. Et c’est le sort du Katanga qui sert à la fois de prétexte et de paravent à ce rabibochage.
Katanga, le symbole l’instrumentalisation
Justement, le Katanga, c’est peut-être le symbole de l’instrumentalisation que nos politiques ont tendance à nous servir sur ce continent africain. Bien sûr, la région a des défis immenses. Poumon économique de la gigantesque RD Congo, elle ne mérite nullement de végéter dans la misère et l’insécurité dont se plaignent tant les populations. On ne peut pas non plus dire que cette richissime région a été gâtée avec les répressions que l’Etat central a toujours réservées aux menées sécessionnistes portées par différents leaders katangais. Pour autant, Moïse Katumbi et Joseph Kabila sont-ils étrangers à certains de ces problèmes ? Et s’ils ne les ont pas créés, qu’ont-ils fait quand ils le pouvaient, pour les juguler ? En ce qui concerne l’ancien président en particulier, n’est-il pas celui qui a le plus formalisé la division du Katanga, en actant le découpage de cette dernière en quatre « provincettes », en 2015 ? A l’époque, cela avait été perçu comme relevant d’une manœuvre visant justement à contrer l’ascension d’un certain Moïse Katumbi.
Des citoyens plus exigeants
C’est quand même curieux, nos acteurs politiques ne pensent à l’unité que quand ils sont en situation de faiblesse. Délestés du pouvoir et des privilèges que celui-ci leur confère, ils épousent l’humilité et feignent d’être à l’écoute de leurs compatriotes. Mais tant qu’ils sont au sommet, ils sont davantage enclins à faire les choses avec arrogance et condescendance. Malheureusement, chez nos populations naïves et plutôt prédisposées à se laisser manipuler, ils trouvent toujours une oreille attentive. Une tare que la société civile aiderait bien à corriger en travaillant à l’éveil des consciences et à l’émergence de citoyens plus exigeants vis-à-vis de l’élite en général et de nos gouvernants en particulier. Le changement, le vrai, est à ce prix-là.
Boubacar Sanso Barry