Une nouvelle fois, les autorités de la Transition en Guinée peuvent se frotter les mains. Pour la deuxième fois en effet, elles échappent à des sanctions de la part de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). Des sanctions que tout le monde annonçait pourtant comme étant certaines. Mais à l’issue du 61ème sommet ordinaire de l’instance régionale qui s’est tenu ce dimanche 3 juillet à Accra, les chefs d’Etat et de gouvernement de la CEDEAO concèdent donc un nouveau sursis au colonel Mamadi Doumbouya et à ses camarades du CNRD. Un répit d’un mois supplémentaire leur est accordé. Motif invoqué ? Donner au tout nouveau médiateur de la crise guinéenne – l’ancien président du Bénin, Yayi Boni – la chance de trouver une solution au différend entre la Guinée et la CEDEAO. Mais il n’y a pas que cette raison officielle pour expliquer ce qui s’apparente à une clémence de plus de la part de l’organisation sous-régionale vis-à-vis de la Guinée.
Entre les discours aux accents de menace et les décisions, un fossé béant
Le fossé est béant. Entre d’une part, les discours aux accents empreints de menace que tenaient il y a quelques semaines aussi bien le président sénégalais, Macky Sall, que le désormais ancien président de la commission de la CEDEAO, Jean-Claude Kassi Brou. Et de l’autre, les conclusions plutôt indulgentes des sommets de l’organisation régionale vis-à-vis des autorités guinéennes. Alors qu’il y a quelques jours, plusieurs diplomates de la sous-région dépeignaient la transition guinéenne comme étant la plus préoccupante des trois que connait l’espace ouest-africain, voilà que les dirigeants des pays de la région, réunis ce dimanche à Accra, décident d’offrir une nouvelle chance au dialogue et au compromis. N’eut été la solidarité que Mamadi Doumbouya a témoignée ces derniers mois au peuple malien, ce dernier aurait pu légitimement dénoncer de la part de la CEDEAO du deux poids deux mesures. D’autant que le CNRD et le gouvernement guinéen ont tout au long des derniers mois, fait montre de défiance et de bravade à l’égard de la CEDEAO.
Le précédent malien
Mais ce n’est pas comme si Nana Akkufo Addo et ses homologues ont eu le choix. L’impopularité des sanctions imposées au Mali depuis janvier, est passée par là. Certes, la CEDEAO n’a jamais admis et sans doute n’admettra jamais qu’elle a aussi laissé des plumes dans ces fameuses sanctions. Mais la réalité c’est que les choses ne se sont pas passées comme elle l’espérait. L’organisation sous-régionale s’imaginait certainement qu’elle ferait plier la junte malienne en quelques jours. Mais celle-ci, avec le soutien entier des Maliens, a supporté la dure réalité pendant six longs mois. Ce qui a exposé la CEDEAO a toutes les formes de critiques. Sa légitimité qui n’avait déjà pas particulièrement la cote en a pris un coup. Beaucoup ayant vu dans les restrictions imposées au Mali des décisions dictées par Paris et exécutées par des dirigeants africains présentés comme de simples valets de l’ancienne métropole. Le manque-à-gagner que les mêmes sanctions ont induit pour les économies ivoirienne et sénégalaise en particulier, a également mis en relief le peu de pertinence des décisions de la CEDEAO.
Confrontation et bras-de-fer, en dernier recours
Et c’est ce précédent malien qui dicte l’attitude plutôt prudente des dirigeants ouest-africains à l’égard de la Guinée. Cette dernière n’est certes pas très coopérative. Mais quand on a essuyé la sévère désapprobation à laquelle la CEDEAO a eu droit ces derniers mois, on réfléchit sans doute à deux fois avant de faire subir à un autre pays le même type d’isolement. Quand on a tiré toutes les leçons des rapports tumultueux que la CEDEAO et le Mali ont entretenu depuis le 9 janvier, on est davantage porté vers le compromis. A la suite du précédent malien, la confrontation et le bras-de-fer ne peuvent être que des options de dernier recours. Ces choix auxquels on ne fait appel que quand on a réalisé que rien d’autre n’est plus possible. Et c’est un peu l’attitude de la CEDEAO vis-à-vis de la Guinée. Bien sûr, on peut noter la coïncidence plutôt suspecte entre cette posture de l’organisation sous-régionale et le fait que les relations entre Paris et les autorités de Conakry soient plutôt cordiales. La France qui, elle aussi, tirant les leçons de la crise avec le Mali, n’est certainement pas désireuse de pousser un nouveau pays de sa sone d’influence, dans les bras de Moscou.
Mais la Guinée ferait bien de ne pas abuser de tous ces facteurs qui ont jusqu’ici milité en sa faveur !
Boubacar Sanso Barry