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Les 10 péchés de Macky Sall

A la base, la tribune que nous reprenons ci-dessous est destinée au président sénégalais, Macky Sall. A la suite des résultats plutôt décevants que le camp du président sénégalais a récolté à l’issue des législatives du 31 juillet dernier, l’enseignant Ndiaga Loum, a fait l’inventaire des péchés qui, selon lui, ont brouillé les rapports du chef de l’Etat avec les Sénégalais. Il se trouve néanmoins certains des problèmes qu’il identifie et les remèdes qu’il préconise peuvent s’appliquer à bien d’autres pays du continent africain, le nôtre y compris. D’où le choix que nous faisons de partager la tribune, dans l’espoir que son contenu puisse aider le colonel Mamadi Doumbouya et ses camarades du CNRD, à la tête d’une transition en proie à une certaine agitation, à éviter d’éventuels pièges auxquels ils pourraient être exposés.

1er péché : la transhumance

Vous l’aviez jadis qualifiée de « cancer » pour notre démocratie, puis, subitement, sous les effets toxiques de l’ivresse du pouvoir, vous vous êtes arrogé la souveraineté linguistique d’en donner une nouvelle définition en l’assimilant à la « liberté professionnelle ». C’est grave ! Dédramatiser avec autant de désinvolture et de légèreté une pratique si immorale qu’elle renvoie dans l’imaginaire populaire à l’itinérance animale, ça devrait être votre cauchemar. Du moins, je l’espère. Le cas échéant, voici ma Recommandation : Ne l’encouragez plus, réinvestissez dans les urgences sociales l’argent que les Sénégalais ont gracieusement mis à votre disposition plutôt que d’acheter des « consciences » qui ne sont en fin de compte, vous l’avez constaté vous-même, que des « âmes solitaires perdues ».

2ème péché : le flou sur le 3ème mandat

Vous aviez été témoin oculaire et solidaire de cette dizaine de morts engendrés par la lutte contre le 3ème mandat de Wade. Vous en aviez tiré une leçon et promis de corriger via un référendum les imperfections rédactionnelles de la Constitution sur la question des mandats afin que « nul » ne puisse faire « plus de 2 mandats consécutifs ». Pour ça, les Sénégalais vous ont dit « oui » au référendum de 2016 et vous leur aviez promis que la nouvelle disposition s’appliquerait à votre premier mandat en cours à l’époque. Puis, comme Louis XIV infatué de sa toute-puissance (« l’État, c’est moi »), vous avez ordonné à la « Cour » de ne plus parler de 3ème mandat sauf si ce n’est pour vous dire que vous en aviez droit, et aux « sujets » que vous êtes le seul à prendre comme tels, vous enjoignez de « fermer le ban » : « je ne dirai ni oui ni non ». Recommandation : dites-leur avec plus de respect, c’est NON.

3ème péché : l’instrumentalisation de la justice pour liquider des adversaires

La promesse de réduire l’opposition à sa plus simple expression s’est parée des plus vilains habits de la justice : condamnation et exil forcé de Karim Wade, emprisonnement de Khalifa Sall et modifications expresses du code électoral pour fonder juridiquement leur perte de droits civiques. Il ne vous pas suffi de les priver de leur droit d’être élus, vous avez poussé la « coquetterie » jusqu’à les déchoir de leur droit d’être électeurs. Pour parachever votre dessein de réduire à néant l’opposition, vous avez instrumentalisé une affaire de mœurs pour liquider juridiquement le leader du Pastef, Ousmane Sonko. Les Sénégalais allergiques à l’injustice se sont opposés à votre plan, ils ont exprimé leur rejet de l’instrumentalisation de la justice pour éliminer des adversaires, d’abord dans la rue en mars 2021, puis dans les urnes en janvier et juillet 2022. Recommandation : réconciliez ce pays avec ses vertus, libérez tous ces otages politiques accusés lourdement, exagérément et faussement dans la perception populaire, de « rebelles » et autres « forces sociales », et engagez-vous à ce que l’on traite humainement « vos détenus politiques » pour que plus personne ne meurt en détention.

4ème péché : la confiscation des libertés publiques

Lorsque les marches des partis de l’opposition ne sont pas systématiquement interdites, elles sont souvent réprimées de façon disproportionnée, occasionnant des morts quand les concernés passent outre les décisions d’autorités administratives « obligées ». Vous avez consolidé une culture administrative de privation de libertés publiques et avez fini par créer un sentiment d’hostilité apparente entre les administrés et leurs administrateurs, entre les forces de sécurité et de défense et les populations civiles. Recommandation : Refaites de la liberté le principe et de l’interdiction l’exception, renoncez à la répression disproportionnée et arrêtez de mettre en prison si facilement vos concitoyens qui ne sont pas moins dignes que vous pour exprimer leur soif de citoyenneté.

5ème péché : la politisation outrancière de la gestion du processus électoral

Après le code consensuel de 1992, la nomination de personnalités indépendantes à la tête du ministère de l’intérieur ; après la rupture d’avec cette tradition de neutralité à la tête de l’organisation des élections par votre prédécesseur et que vous aviez vous même farouchement dénoncée dans le passé, au point de le faire céder ensuite ; vous venez d’organiser les élections les plus contestées de la récente histoire politique, en amont du processus, avec des listes séparées, des recours rédigés à la main à l’ère  numérique, un ministre de l’intérieur immature, qui, pour donner des gages de loyauté, a cru bon d’engager pour vous, en pleine campagne électorale, une « entreprise » de débauchage de responsables de l’opposition à Touba. C’est une régression ! Recommandation : Confiez vite le ministère de l’intérieur et la gestion des élections à une personnalité indépendante et consensuelle à l’instar de ce qu’incarna le Général Lamine Cissé en 2000.

6ème péché : la gouvernance mauvaise, sombre et nébuleuse

La lutte contre l’enrichissement illicite était une demande sociale ; une fois au pouvoir, vous avez réactivé la CREI et en avez fait un instrument de chantage : la prison pour les récalcitrants, le pardon pour ceux que ne dérangent pas les trahisons et qui acceptent plus facilement les compromissions. Recommandation : Levez le coude sur tous les rapports déposés par l’OFNAC auprès du Procureur, rompez avec la justice à double vitesse, laissez cette dernière poursuivre même si les coupables sont presque, tous, vos amis, parents, beaux-parents, supprimez toutes ces institutions inutiles, budgétivores, et dont les compétences se chevauchent (HCCT, HCDS etc.).

7ème péché : l’arrogance des nouveaux tenants du pouvoir

Les exemples pullulent de ces démonstrations publiques d’arrogance. Quand la vanité se conjugue à la suffisance des nouveaux vainqueurs, elle engendre la déraison qui, à son tour, produit l’arrogance qui charrie la démesure en tout, envers et contre tous. Je passe sur les gestes à l’infini de condescendance et de mépris des « seconds couteaux » qui excellent dans le zèle militant et ouvrent les hostilités à tous vents. Ceux qui s’enferment dans leurs certitudes et professent la clarté sont finalement les esprits les plus obscurs, ils peuvent tout expliquer, tout justifier, tant et aussi longtemps que leur égo présent éteigne leur ethos habituel ; rien d’étonnant, tant le premier s’occupe du ventre et du bas-ventre, le deuxième nourrit l’esprit. Recommandation : Nettoyez à grande lessive votre entourage.

8ème péché : la méchanceté gratuite, inutile et contre-productive

Si cette méchanceté d’État gratuite avait un visage, il se nommerait Capitaine Touré, emprisonné, révoqué puis empêché d’exercer sa seconde passion : enseigner. Et encore où ? Dans le privé. Vous vouliez l’humilier, mais finalement vous en avez fait un martyr, puis un héros, tout ça sans aucune raison autre que l’irraison qui génère la méchanceté inintelligente et contre-productive. Manifestement, vous ne semblez pas avoir de compétence pour choisir vos amis, mais par contre, vous avez un art consommé et ironiquement « raffiné » de vous créer des ennemis. Recommandation : Arrêtez d’utiliser la toute-puissance de l’appareil d’État pour « achever » des ennemis « imaginaires », car il n’y a aucune gloire à anéantir humainement une personne déjà démunie et affaiblie.

9ème péché : l’embrigadement des lignes éditoriales du média public audiovisuel

L’accaparement anachronique des médias d’État et surtout de l’audiovisuel public, la RTS, et la mise sous le paillasson « inconvenue » des libertés de professionnels pourtant bien formés à l’école, produisent d’abord du dépit, ensuite de la colère, enfin du rejet. C’est la conclusion de la science. Le pluralisme de contenus à l’interne dans un média public transforme qualitativement le média et le fait passer de « média de gouvernement » au « média d’État ». Ma conviction est que dans votre entourage, il y a plein de gens qui savent déjà ce que je suis en train de vous dire. Ma question, c’est pourquoi ils ne vous le disent pas ? Ont-ils peur de vous le dire ? Ou est-ce vous qui ne les écoutez pas ? Recommandation : libérez la compétence professionnelle dans les médias d’État et redonnez à tous les Sénégalais cet outil qui appartient à tous les Sénégalais afin que s’y reflète le pluralisme des opinions.

10ème péché : le complexe néocolonial

Votre attitude suspecte de soumission aux désidératas de la France tranche avec le nouveau visage décomplexé de votre jeunesse, démographiquement majoritaire et profondément demandeuse de nouvelles postures qui rompent d’avec les logiques aliénantes d’une Françafrique encore méprisante. Ici, il est difficile de vous faire une recommandation ; ma conviction est que premièrement, après une décennie au pouvoir, le problème que vous avez avec cette jeunesse « révolutionnaire » est surtout d’ordre générationnel ; et deuxièmement, vous semblez encore convaincu que la France peut maintenir au pouvoir un chef d’État africain même contre la volonté des peuples, ce qui explique sans doute votre préférence à s’afficher avec des contre-exemples comme Robert Bourgi. Donc, une seule Recommandation : détrompez-vous !

Tout compte fait, je vous vois me lire en disant : « c’est un intellectuel opposant, il n’est pas neutre, puis, qui est-il pour me faire des recommandations ? ». Voilà comment les dirigeants politiques africains, par réflexe manichéen, creusent leur propre « tombe », en réfutant la vérité des faits, s’enfermant dans leur « tour d’ivoire », pensant toujours avoir raison, et considérant tous ceux que leurs actes sidèrent comme des aigris condamnés à l’indignation figée.

Ndiaga Loum, professeur titulaire, Université du Québec

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