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GUINEE : Mamadi Doumbouya à l’épreuve des faits

La Guinée est un pays complexe. Cette phrase, ce sont surtout les dirigeants qui en comprennent le sens profond. Eux qui, en arrivant au sommet de l’Etat ont un discours volontariste sur fond de rupture radicale ; mais qui au gré de l’exercice du pouvoir finissent souvent par réaliser que le changement est moins facile à imprimer. Leur défaut ayant toujours été de s’entourer de collaborateurs en réalité plus réfractaires à la rupture que les adversaires déclarés. Mais cela, ils ne le comprennent que quand c’est trop tard. Un piège auquel le colonel Mamadi Doumbouya ne pouvait guère échapper.

La jeunesse et l’inexpérience du président de la Transition dans la gestion de l’Etat au plus haut sommet sont assurément des défauts pour le chantier qu’il s’est tracé. Car elles lui confèrent une méconnaissance du pays et des Guinéens. Elles le rendent en conséquence fortement dépendant de son entourage, de ses collaborateurs. Or, l’expérience récente dans la gestion du pays enseigne qu’un tel schéma n’est pas rassurant. D’ailleurs, dans le cas de Doumbouya, il y a des raisons de penser que cette dépendance commence à produire ses méfaits. C’est encore subtil peut-être. Mais le président de la Transition est moins vif. On le sent comme qui se ramollit. Conséquence, certaines pratiques sont de retour dans les mœurs administratives notamment.

Ce ronronnement dans la gestion du pays, lui-même en a d’ailleurs récemment fait le constat. « Le président de la Transition a constaté que les sessions des conseils des ministres ont fait l’objet de prises de décisions. Certaines seraient complètement exécutées, d’autres en cours d’exécution et les décisions non exécutées », a-t-on en effet lu dans le compte-rendu du conseil des ministres du 8 septembre dernier. Un constat comme celui-ci – que l’on peut également assimiler à un aveu d’échec – Alpha Condé en avait fait plusieurs en son temps. Mais cela n’avait guère changé la réalité du terrain. Pour ce qui est de Doumbouya, ce constat confirme juste le fait que certaines habitudes ont la peau dure.

Le retour en arrière se traduit aussi par la liberté qu’ont tendance à s’offrir certains responsables du pays dans les prises de décision. Au risque, dans certains cas de provoquer une confusion préjudiciable à l’adhésion des populations. L’interdiction des pharmacies et des cliniques non agréées par le procureur de la CRIEF est l’illustration parfaite de cet état de fait. En effet, en vertu de quoi Aly Touré s’est-il autorisé à se mêler de cette question ? Personne n’y comprend quelque chose. L’intéressé lui-même n’a pas cru devoir apporter la réponse. Ses responsables hiérarchiques préférant, quant à eux, laisser les populations dans l’expectative. Au-delà du mépris et de l’indifférence qu’on témoigne ainsi à l’opinion publique, le silence réservé à la décision du procureur de la CRIEF pourrait encourager d’autres commis de l’Etat à se mêler de tout et de rien.

Encore qu’Aly Touré n’est pas le premier à verser dans une telle confusion. Bien avant, c’est Alphonse Charles Wright, du temps où il était procureur général, qui s’en était gratuitement pris au ministre de la Sécurité, Bachir Diallo. Quand ce dernier, à la suite de la mort de Thierno Mamadou Diallo, dans le sillage des manifestations anti-hausse du prix du carburant, a promis que des têtes vont tomber, le procureur s’était empressé de lui rétorquer que cela pourrait bien comprendre la tête du ministre. Là aussi, silence total. Et même plus tard, Charles Wright était nommé ministre, devenant ainsi collègue de celui de la Sécurité. En lieu et place d’une sanction, c’est donc une promotion. Dans un tel contexte, difficile de ne pas comprendre l’effacement remarquable du ministre Bachir Diallo. Alors même qu’il était volontariste et engagé tout au début.

Enfin, le jeudi dernier, le conseil des ministres n’a pas dit un seul mot sur l’affaire relative à ces insertions publicitaires supposées dans le magazine français, Le Point. Pourtant, dans cette affaire, au-delà des sorties d’argent, certains agissements interrogent et font douter. Que le président du CNT recommande un agent commercial au Directeur général de la CNSS, cela est contraire au principe. Que le ministre de l’Urbanisme demande au responsable de la Guinéenne d’électricité de recevoir le même agent commercial, ce n’est pas non plus normal. Surtout si les entrevues qui en ont résulté ont débouché sur une sortie de l’argent public. Mais que personne n’y trouve à redire, cela doit inquiéter. Surtout sous un régime qui promet de rompre avec le passé.

Mais à coup sûr, c’est là l’illustration de la complexité du pays, à laquelle se frotte le colonel Mamadi Doumbouya !

Boubacar Sanso Barry

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