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BURKINA : Le jeu de dominos de Wagner au Sahel

Après la République centrafricaine et le Mali, à qui le tour ? Désormais dans le viseur de l’organisation paramilitaire russe Wagner, le Burkina Faso présente tous les atours susceptibles d’attirer les sbires du Kremlin : des militaires putschistes au pouvoir et des ressources en or colossales. 

Les pays du Sahel sont comme les éléments malades et affaiblis d’un troupeau d’éléphants : isolés du reste du continent, ils deviennent la proie de prédateurs dont les crocs aiguisés se plantent dans leur chair. C’est arrivé à la République centrafricaine en 2018 où les miliciens de Wagner continuent de maintenir Faustin-Archange Touadéra au pouvoir, en échange de ses ressources naturelles comme l’or, le bois et les diamants. Bis repetita au Mali en 2021, qui a vécu deux coups d’État coup sur coup et l’arrivée des « soldats blancs » russes. Dans leur collimateur : l’or malien, en contrepartie de l’appui militaro-logistique en faveur du colonel Assimi Goïta, le président « intérimaire », dans sa lutte contre les groupes islamistes. Et ça a marché. Pourquoi se priveraient-ils d’aller plus loin ? Le Niger – où sévit également l’hydre jihadiste – aurait pu faire figure de prochain candidat, mais les institutions du pays tiennent bon pour l’instant. Qu’à cela ne tienne, un autre maillon faible dans la région – le Burkina Faso – ressemble de plus en plus à une bête blessée. L’arrivée, fin décembre à Ouagadougou d’une « petite dizaine d’individus parlant russe a relancé les spéculations sur les tractations en cours entre les autorités burkinabè et la société militaire privée proche du Kremlin », note Jeune Afrique. L’histoire commence toujours comme ça.

Les tristes exemples centrafricain et malien 

Et celle de la Centrafrique est un modèle du genre. « Le 27 octobre 2021 les Nations unies ont, dans un rapport, formellement accusé le groupe Wagner de “harceler et d’intimider violemment des individus et des communautés” en Centrafrique, écrivait en février 2022 Boubacar Haidara, chargé de cours à l’Université de Ségou (Mali). L’universitaire est chercheur associé à Sciences Po Bordeaux écrivait : « L’argumentaire des Occidentaux consiste à dire que les exactions pourraient fortement accroître les divisions au sein de la population et des unités des forces armées déployées sur le terrain, et engendrer une plus grande instabilité. L’emprise des mercenaires russes dans le domaine économique est aussi dénoncée, notamment leur implication dans les mines, les douanes et de façon plus générale dans l’exploitation des ressources naturelles. Les méthodes de Wagner dans ce domaine sont ainsi qualifiées de prédation. » Depuis un parfait copier-coller pourrait être fait avec le Mali.

Alors, pourquoi la contagion pourrait-elle gagner le Burkina Faso ? D’abord parce que le pouvoir en place à Ouagadougou ressemble comme deux gouttes d’eau à son homologue malien. Président de la Transition du Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a renversé le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba en septembre dernier. Pourtant, Damiba et Traoré avaient mené ensemble, en janvier 2022, un premier putsch contre Roch Marc Christian Kaboré, le président élu démocratiquement en 2015. Mais Damiba n’a pas rempli sa principale promesse : écraser les rebelles jihadistes au nord du Faso.

Traoré s’est donc dit qu’il ferait mieux, et a renversé son compagnon de route. Mais voilà : arrivé au pouvoir par les armes est une chose, s’y maintenir est une autre paire de manches. Il faut des armes et de l’argent. Beaucoup d’argent même. La seule solution est donc de brader les bijoux de famille contre la sécurité. C’est exactement la vocation de Wagner, comme l’a prouvé l’exemple centrafricain ces dernières années.

Au tour du Burkina Faso de tomber 

Qu’a donc le Burkina Faso à offrir en échange des « bons et loyaux » services des miliciens sans foi ni loi de Wagner ? Selon le Centre de Ressources sur les Entreprises et les Droits de l’Homme, « le Burkina Faso, pays pauvre parmi les plus pauvres d’Afrique, a un sous-sol qui contient d’abondantes richesses minières : or, argent, cuivre, nickel, manganèse, molybdène, calcaire, phosphates, zinc, plomb, fer, aluminium, stibine, etc. Le boom minier ne profite pas en réalité au Burkina Faso dans la mesure où l’État ne dispose que d’une part maximale de 10% dans ces sociétés qui bénéficient dans le même temps de nombreuses exonérations fiscales et rapatrient toute leur production hors du Burina Faso ». Bingo !

Lors de sa visite à Moscou en décembre, le Premier ministre burkinabé Apollinaire Kyélem de Tembela a souhaité réexaminer le partenariat de son pays avec la Russie. « Nous essaierons, autant que possible, de diversifier nos relations de partenariat jusqu’à trouver la bonne formule pour les intérêts du Burkina Faso, a-t-il alors déclaré. Mais il ne sera pas question de nous laisser dominer par un partenaire, quel qu’il soit. » À qui veut-il faire croire que la junte militaire au pouvoir à Ouagadougou mènera une politique différente de celle de Bamako ?

Les autres pays de la région, eux, ne sont pas dupes, à commencer par le Ghana, à la frontière sud du Faso. Son président Nana Akufo-Addo a mis les pieds dans le plat le 14 décembre dernier en affirmant que le Burkina Faso avait « conclu un arrangement pour, comme le Mali, employer des forces de Wagner. Les mercenaires russes sont à notre frontière nord ». On peut le comprendre : lui aussi à peur de la contagion. Akufo-Addo a précisé qu’une « mine dans le sud du Burkina leur [les mercenaires de Wagner] a été allouée comme une forme de paiement pour leurs services ».

Grâce à Wagner, la Russie met la main sur l’or du Faso 

À Ouagadougou, les militaires n’ont pas apprécié les saillies du président ghanéen. Ils ont même convoqué l’ambassadeur et fait part de leur désapprobation, assurant que ces déclarations sont « graves et inexactes ». Seulement voilà, depuis son arrivée au pouvoir, Ibrahim Traoré n’a pas fait mieux que son ancien compagnon de route sur le plan sécuritaire. Il a donc un besoin vital d’aide militaire, de préférence peu regardante sur les questions de droits de l’Homme. Et Traoré connaît les principales ressources de son pays : le coton et l’or. Inutile de dire que ce n’est évidemment pas le coton qui intéresse les Russes. Depuis octobre, le pouvoir militaire a ainsi accordé de nouvelles concessions à l’entreprise russe Nordgold pour exploiter des gisements aurifères. La dernière en date, en décembre, concerne le site de Yimiougou dont la production totale est estimée à 2,53 tonnes d’or.

Nordgold n’est pas certes Wagner, mais les deux entités poursuivent la même stratégie dictée par le chef du Kremlin. Alexeï Mordachov, propriétaire de Nordgold, et Evgeny Prigogine, propriétaire de Wagner, entretiennent tous les deux des liens privilégiés avec le président russe Vladimir Poutine. Les deux oligarques – visés par les sanctions occidentales au début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – doivent tout à Poutine, qui a permis leur fulgurante ascension au cours des deux dernières décennies.

Difficile dans ces conditions pour la junte à Ouagadougou de poursuivre sa politique du déni : la Russie – via Wagner et Nordgold – est en train de mettre la main sur le Burkina Faso qui s’isole de bon nombre de ses partenaires africains. Nos pauvres frères burkinabés, eux, seront comme les Centrafricains et les Maliens : le peuple n’aura plus que ses yeux pour pleurer car il ne profitera en rien des richesses extraites de son pays et continuera d’être la cible à la fois des jihadistes et des mercenaires. Au Sahel, les dominos tombent les uns après les autres…

Oumar Diagne

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