C’est donc acté. Mohamed Bazoum a bel et bien été renversé, à son tour. Même si le nouvel homme fort du pays peine à émerger et à s’afficher en public, le soutien que les putschistes ont reçu hier jeudi de l’Etat-major de l’armée et même de certaines formations politiques, consolide leur position. Les menaces et les négociations de la CEDEAO n’auront donc pas pu éviter un autre coup d’Etat dans la région. Pour autant, l’organisation ne doit et ne peut pas croiser les bras. Au risque de laisser ce sordide effet domino se poursuivre de manière à engloutir un autre pays, il lui faut entreprendre quelque chose. Peut-être bien qu’une intervention militaire peut s’avérer risquée désormais, y compris pour Mohamed Bazoum et sa famille, encore entre les mains de la junte. Mais il ne peut pas être question de se contenter de constater les dégâts. Ce serait abdiquer face cette forfaiture qui sévit comme une épidémie. Aidée par la communauté internationale, l’organisation sous-régionale doit taper du poing sur la table afin d’une part, de récolter de fortes garanties de la part des putschistes, et de l’autre, d’envoyer un signal fort aux trois autres juntes qui doivent se réjouir des derniers développements à Niamey. Il en va de crédibilité et au-delà, de sa survie tout court.
C’est alors que la CEDEAO, à travers le nouveau président en exercice, Bola Tinubu, cherchait à reprendre de l’élan qu’est intervenu le coup d’Etat contre Mohamed Bazoum. Après le discours fort qu’il a tenu le 9 juillet à l’issue du sommet de Bissau, le président nigérian venait en effet de réunir la Troika + 1 pour plancher sur la stratégie de gestion des transitions dans la région. Il était même prévu que le président béninois, Patrice Talon se rende très prochainement à Conakry, Bamako et Ouagadougou. On peut penser donc que ce plan est désormais mis à mal par l’urgence imposée par les évènements de Niamey. Il est vrai qu’on peut imaginer que le très déterminé président nigérian n’était pas préparé à un retournement de situation aussi brusque. Il a logiquement de quoi avoir été sonné par la soudaineté avec laquelle ce nouveau défi a émergé.
Cependant, ce défi-là pourrait bien être transformé en une opportunité inespérée. Si en effet la CEDEAO réussit à tenir un langage de fermeté aux nouveaux putschistes nigériens et que cela donne des résultats, cette posture-là pourrait être capitalisée par rapport aux trois autres juntes. D’abord, même si elle n’est pas sans risque, l’hypothèse d’une intervention militaire de la part d’une troupe régionale est quelque chose de bien envisageable. En tout cas, quelque part, les nouveaux maîtres à Niamey éprouvent une certaine appréhension à propos. Cela ressort de cette mise en garde consignée dans le communiqué de ralliement de l’Etat-major nigérien : « Toute intervention militaire extérieure, de quelle que provenance que ce soit, risquerait d’avoir des conséquences désastreuses et incontrôlables pour nos populations et le chaos pour notre pays ». Cela ressemble bien à un chantage déguisé de la part d’une junte qui appréhende et redoute une opération punitive. Et qu’elle redoute une telle perspective, cela ne doit pas être anodin.
Mais à supposer qu’on juge cette option non viable, bien d’autres concessions peuvent être exigées de la junte. Au nombre de celles-ci, on peut via la pression, contraindre les militaires à laisser la gestion de la période intermédiaire à un civil, voire même à laisser appliquer les dispositions constitutionnelles prévues en cas de vacance du pouvoir. Mohamed Bazoum s’en irait bien sûr. Mais les militaires eux-mêmes hériteraient pas du fauteuil, alors que la vacance du pouvoir, elle-même, ne prendrait pas de temps. Mais si cela non plus ne peut pas être obtenu, on peut aussi exiger d’eux qu’ils rendent le tablier au terme d’un délai maximum de six mois. Ce qui fait qu’au plus tard, en janvier prochain, un nouveau président prendrait fonction à Niamey.
Toutes ces concessions seraient de nature à signifier à la fois au nouveau CNSP nigérien, mais aussi aux autres chefs de transitions dans la région que la récréation est terminée. Or, c’est justement ce message-là qu’il convient d’envoyer aujourd’hui. Si en tout cas, l’on veut que la spirale s’arrête.
Boubacar Sanso Barry