Le président sénégalais n’a jamais voulu quitter le pouvoir. On l’a toujours senti, son discours du 23 juillet 2023 ne doit pas faire illusion. S’il n’a pas brigué le troisième mandat, c’est parce que les Sénégalais lui ont tenu tête. Mais on le sent qui veut, comme jadis Donald Trump, inféoder les institutions sénégalaises à son désir de garder le pouvoir. Quitte à le faire par le truchement d’un successeur qu’il entend imposer à ses compatriotes. Parce que c’est la seule explication à son incompréhensible décision de reporter la présidentielle à la veille même du lancement de la campagne électorale. C’est là un geste de désespoir de la part d’un président qui se rend compte que tout est en train de lui échapper. Un président qui réalise sans doute trop tard que lui et les siens devraient avoir à rendre compte de leur gestion, vu que ce sont leurs pires adversaires qui sont en passe de l’emporter aux prochaines élections. Victime de ses propres manœuvres, Macky Sall se retrouve piégé à la fois par la détermination des Sénégalais à faire barrage à ses ambitions et le refus de certaines institutions de se laisser inféoder.
Par la faute du président Macky Sall, le Sénégal vit de nouveau des heures sombres de son histoire. Et ça et là, il se dit que la fin de l’exception démocratique sénégalaise est proche. Il est vrai qu’il y a des raisons de s’inquiéter. Néanmoins, dans ce nouvel épisode de la crise politique que vit le pays de la Téranga, il y a eu des signes qui devraient inciter à continuer à espérer. La tourmente qui a conduit le président sortant au choix extrême de reporter la présidentielle est en soi la preuve de son incapacité à soumettre toutes les institutions à sa volonté. Dans d’autres pays, le président aurait réussi plutôt facilement à empêcher aussi bien la candidature d’Ousmane Sonko que toutes celles qui sont proches de ce dernier. Par ailleurs, sous d’autres cieux, Macky Sall n’ayant manifestement pas approuvé le rejet de la candidature de Karim Wade, celle-ci n’aurait pas été rejetée. Bref, comme aux Etats-Unis avec Donald Trump, les institutions et le modèle démocratique tant envié du Sénégal sont fortement éprouvés. Mais pour l’instant, certains pans tiennent bon. Et c’est ce qui met Macky Sall hors de lui-même et qui le pousse à multiplier les bourdes.
Mais pour le président sénégalais, ce n’est qu’un juste retour de bâton. Le désespoir dont il est aujourd’hui prisonnier n’est que la conséquence de sa propre gestion du pouvoir. Vis-à-vis de ses adversaires, il aura été cruellement injuste. Sa gestion des ressources du pays, elle non plus, n’a pas été exempte de tout reproche. Le tout enveloppé dans une forme d’arrogance qui prédispose quasiment tous ses adversaires à lui rendre la monnaie une fois qu’ils seront installés au palais présidentiel. Et c’est cela la hantise du président. C’est ce qui le pousse à cette quête obsessionnelle d’un successeur qu’il aurait lui-même choisi. Un successeur qui lui garantirait que lui et ses proches ne seraient pas traqués.
Dans un premier temps, il a dû se dire que la meilleure garantie serait qu’il se succède à lui-même. D’où le suspense qu’il avait entretenu des mois durant sur sa propre candidature. Finalement, du temps dont il n’a pas profité pour préparer plus sereinement son dauphin. En sorte qu’à trois semaines de l’élection, il réalise qu’Amadou Ba n’est pas en mesure de remporter le scrutin et qu’au contraire, c’est le camp Sonko qui est en pole position. Le pire des scénarios pour Macky Sall qui, pris ainsi au piège, s’empresse de suspendre le processus électoral, le temps de trouver une issue plus favorable. Sauf que là aussi, les Sénégalais disent niet !
Boubacar Sanso Barry