On vous le disait dans un de nos articles. Hier mardi 16 juillet, le Conseil de l’ordre des avocats de Guinée, à la suite de l’ultimatum qu’il avait fixé au ministre de la Justice et au procureur général près la Cour d’appel de Conakry, dans l’affaire Foniké Menguè et Mamadou Billo Bah, et contre la non-exécution des décisions de justice, a décidé du boycott de toutes les audiences dans les cours et tribunaux jusqu’au 31 juillet 2024 à 23h59 min. C’est dire donc que durant une période de deux semaines, aucun avocat ne sera au côté de son client dans le cadre d’un quelconque procès. Il se trouve que précisément, à la date du mercredi 31 juillet, est programmé le verdict du procès du 28 septembre qui se tient depuis environ deux ans. Un verdict et un procès dont le retentissement dépasse les limites de la Guinée. Le jugement étant symboliquement décrit et perçu comme fondateur en vue de la lutte contre la longue tradition d’impunité dont les responsables supposés des crimes ont toujours bénéficié en Guinée. Alors, quelle conséquence le boycott des avocats pourrait avoir pour un évènement d’une si très grande envergure, si d’avance un dénouement n’était pas trouvé entre les autorités et le Barreau de Guinée ? Les avis restent partagés.
C’est avec une certaine nuance que tous nos interlocuteurs s’expriment. « Dans les conditions normales, si le boycott perdure jusqu’au 31 juillet, ils ne peuvent pas rendre le verdict », estime un premier avocat. Qui, dans la foulée, admet néanmoins, « certes, nous ne sommes pas dans les débats où la présence d’un avocat au côté de l’accusé est obligatoire, mais en tous les cas, on ne peut pas appeler un accusé sans son avocat ». Toutefois, il y a des exceptions dans lesquelles le juge peut rendre un verdict en l’absence des avocats. « C’est par exemple, dans le cas où le verdict peut rendre fastidieuse la lecture. Parce qu’il porte sur plusieurs centaines de pages. Dans ce cas, le juge peut décider de vider la décision dans le panier de la greffe. Laissant alors le soin aux uns et autres d’aller voir la décision eux-mêmes », explique notre interlocuteur.
« En principe, le boycott ne devrait avoir aucun impact sur la tenue de cette audience. Le juge peut bien rendre le verdict sans les avocats, puisque nous ne sommes plus au niveau des débats », rétorque un autre. Certes, note-t-il toutefois : « Si d’avance, certains voudraient faire appel de la décision rendue en première instance contre eux, cela poserait problème, vu que les avocats ne sont pas là. A moins que ce soient les accusés eux-mêmes qui rédigent l’appel ». Mais à ce niveau, il reconnait que la formulation de l’appel pourrait toujours se faire après, quand les avocats auront levé leur mot d’ordre de boycott. « Parce que, dit-il, les vacances judiciaires qui commencent le 1er août n’empêchent pas de formuler un appel ».
Notre interlocuteur pense néanmoins qu’en raison de la dimension de ce procès, si les avocats n’étaient pas là, cela traduirait « un malaise, un vide ». Se voulant concret, il note qu’habituellement, à l’issue d’un verdict comme celui qui devrait être rendu à la fin de ce mois, la presse se tourne vers les avocats des différentes parties pour des réactions. « Si ce jour-là, les avocats ne sont pas là, je ne sais pas comment cela va se passer. Vu que même des médias internationaux devraient être là, le fait de ne pas pouvoir avoir une réaction des avocats des différentes parties va laisser un vide. Parce que ce n’est ni aux accusés, ni au juge, encore moins au procureur qu’on viendra demander des réactions, cela va avoir un certain impact en termes d’image », estime-t-il.
Ce même impact, c’est l’aspect qu’un dernier avocat de la défense met aussi en exergue.
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