Peut-être qu’enfin, les mines congolaises vont servir à quelque chose d’utile pour tout le monde ! Elles sont en tout cas au cœur de l’accord de paix qui pourrait être conclu d’ici le 2 mai prochain, entre Kinshasa et Kigali, sous l’égide des Etats-Unis de Donald Trump. En effet, c’est bien parce que le sous-sol congolais est riche en toutes sortes de minerais stratégiques que le président américain, plutôt porté sur la diplomatie transactionnelle, a consenti à s’intéresser enfin aux massacres et autres atrocités que les populations de l’est du pays, femmes et enfants y compris, endurent depuis trop longtemps. Nord et Sud-Kivu, pourraient donc renouer avec la paix et la stabilité. Malheureusement, l’Afrique n’y aura joué aucun rôle ou presque.
Le pari n’était pas gagné
Le président congolais est en passe de réussir un pari qui n’était pourtant pas gagné. Quand, en fin janvier-début-février 2025, les capitales provinciales de l’est du pays tombaient les unes après les autres, entre les mains des combattants de la rébellion de l’AFC/M23, Félix Tshisekedi était bien en mauvaise posture. On le sentait qui était désemparé et à bout de solution. D’autant que, d’une part, ses propres soldats fuyaient devant l’ennemi, alors que de l’autre, les mercenaires européens dont les services étaient manifestement surcotés, se révélaient incroyablement inefficaces. Dans son camp, le désespoir était tel que les rebelles l’ayant eux-mêmes ressenti, menaient de marcher sur Kinshasa. Pourtant, c’est visiblement à cette époque qu’il s’est tourné vers l’administration américaine, en mettant en avant les richesses minières de son pays. Lui espérait en récolter surtout des armes pour inverser la tendance sur la ligne de front. Mais Donald Trump y voit deux opportunités à saisir : d’un côté, mettre la main sur le riche potentiel que recèle l’ensemble de la région des Grands Lacs et de l’autre, récolter le titre honorable de faiseur de paix dans une région qui n’en a pratiquement jamais connu.
Tout près de la paix
Dans ce contexte, le face-à-face surprise entre Tshisekedi et Kagamé, réussi par le Qatar, le 18 mars dernier, semble avoir été perçu à Washington comme une occasion à saisir. C’est ainsi que Massad Boulos, le conseiller de Trump pour l’Afrique se rendait dans la région début avril. Et depuis, les choses se sont accélérées pour déboucher, le vendredi dernier, sur la signature dans la capitale américaine, sous l’égide de Marco Rubio, le chef de la diplomatie américaine, d’une « déclaration de principes », prélude à un accord de paix qui devrait être signé au plus tard le 2 mai prochain. Déclaration de principes qui a été précédée par un le communiqué conjoint sur un projet de trêve que Doha, quant à elle, avait réussi à obtenir entre le gouvernement congolais et le mouvement rebelle de l’AFC/M23. En somme, même si dans le cas du Congo, il faut toujours y aller avec prudence, on n’a jamais semblé aussi proche de la paix.
L’Afrique larguée
Mais il est navrant de constater que l’Afrique n’y est nulle part. Aucun processus n’a réussi à s’imposer. Ni Luanda, ni Naïrobi. Pourtant, entre les médiateurs et les facilitateurs, les acteurs africains n’ont pas manqué. Mais justement, au sujet de ces médiateurs, la seule chose dont on se souviendra, c’est l’humiliation infligée en mars dernier à l’Angolais Joao Laurenço. Alors que le pauvre médiateur de l’Union africaine annonçait un lamentable échec de la rencontre qu’il entendait présider entre le gouvernement congolais et les rebelles de l’AFC/M23, c’est du Qatar que nous parvenait cette photo surprise d’un tête-à-tête jusque-là improbable entre les présidents congolais et rwandais. Quant au Togolais, dernière carte consensuelle de la diplomatie africaine, il n’aura même pas eu le temps d’entamer véritablement sa mission. Certains voudront arguer que l’essentiel est le retour à la paix. Rien n’est plus faux. Certes, la cessation des hostilités, ce n’est pas rien. Mais en Afrique, une paix qui se fait à l’insu des instances continentales et peut-être même sur le dos de certains des peuples concernés, cela n’est qu’une paix de façade. Mais Doha et Washington ne sont guère à blâmer. Ce sont les institutions africaines qui doivent faire leur introspection et leur mue.
Boubacar Sanso Barry