Un an après la fermeture brutale de plusieurs médias privés majeurs en Guinée, les locaux jadis animés sont désormais figés dans un silence pesant. Notre équipe s’est rendue sur les sites de Hadafo Médias et Djoma Médias pour constater l’état des lieux. Il ressort de ce constat que des millions investis dans ces médias se perdent lentement.
Ce jeudi 22 mai 2025 marque une triste commémoration en Guinée : un an, jour pour jour, depuis la fermeture de plusieurs organes de presse parmi les plus influents du pays. Les groupes Hadafo Médias (Espace TV et FM, Sweet FM), Djoma Médias (Djoma TV et FM), ainsi que Fréquence Média (FIM FM), ont vu leurs portes brutalement closes, laissant près de 1 000 journalistes et techniciens sans emploi.
À Matoto, dans la commune du même nom, les anciens locaux du puissant groupe Hadafo Médias offrent aujourd’hui une vision saisissante de vide et d’abandon. Là où résonnaient autrefois débats, bulletins d’information, rires d’animateurs et voix de chroniqueurs, règne désormais un silence assourdissant. L’ambiance contraste violemment avec l’énergie qui faisait la réputation d’Espace TV, Espace FM et Sweet FM.
Certains compartiments du bâtiment, autrefois dédiés à différentes directions, ont été réaffectés. Des appartements y ont été aménagés, redéfinissant ainsi l’usage de ces espaces initialement consacrés à l’information.
Dans les couloirs et bureaux, le décor se dégrade : tables fendues, peinture écaillée, équipements corrodés par le temps et l’humidité. La rouille ronge les structures métalliques, et la poussière s’est installée en maître dans les moindres recoins.
La régie, autrefois cœur battant d’Espace TV, ne sert aujourd’hui qu’à diffuser les programmes de Kalac TV, une chaîne autrefois mise à l’écart pour son orientation culturelle. Le régisseur, visiblement nostalgique, confie :
« Ici, nous sommes dans la régie d’Espace TV. Depuis la fermeture, beaucoup de nos équipements sont devenus inutilisables. Le free caster, notre principale machine de diffusion, est complètement hors service. Impossible de la récupérer. Nos machines de live sont en panne, les écrans ne répondent plus. Ce plateau, qui accueillait Les Grandes Gueules, le journal télévisé et bien d’autres émissions, est à l’abandon ».
Plus loin, à Nongo, le décor est tout aussi troublant. Djoma Médias, créé en 2019, disposait d’installations modernes et d’un matériel flambant neuf. Pourtant, depuis mai 2024, tout est à l’arrêt. Derrière les grilles closes, les salles de rédaction, studios et régies dorment sous une fine couche de poussière.
Ici, le temps semble suspendu. Contrairement à Hadafo, aucune réaffectation des locaux n’a été opérée. Les équipements sont intacts, soigneusement conservés, mais certains commencent à montrer des signes d’abandon prolongé. Caméras, micros, pupitres et ordinateurs sont toujours à leur place, mais privés d’activité humaine, ils se dégradent lentement.
Un an après, la fracture reste profonde. Ces médias représentaient une force d’information, un espace d’expression et un contre-pouvoir indispensable. Aujourd’hui, leur silence interroge.
La fermeture de ces médias, qui figuraient parmi les plus influents du pays, continue de peser lourdement sur le climat sociopolitique.
Thierno Amadou Diallo