Au Mali, il est peu de dire que le contexte sécuritaire s’est considérablement dégradé ces dernières semaines. En réalité, les autorités de la Transition ont totalement perdu le contrôle de la situation, même si elles sont trop imbues d’elles-mêmes pour le reconnaître. Sur le terrain, la stratégie du ciblage des camions-citernes ravitailleurs en carburant par le JNIM s’est révélée d’une nuisance telle que les populations, faisant fi de la propagande officielle et des appels creux à la résilience, préfèrent désormais miser sur l’autorité de fait des terroristes. Ces derniers, de plus en plus conscients de l’ascendant qu’ils exercent sur le pays, en viennent à édicter des règles qu’ils imposent aux Maliens, à l’insu du pouvoir. C’est dire que le compagnonnage avec Moscou ne donne pas les résultats escomptés. Face à cette réalité, Bamako serait même engagée dans des discussions discrètes avec les djihadistes.
Stratégie cynique
Les islamistes du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), affilié à Al-Qaïda, semblent plus que jamais décidés à agenouiller les autorités de Bamako. Si celles-ci avaient, jusqu’en juin dernier, semblé engranger quelques résultats sur le front de la lutte contre l’insécurité, la situation s’est depuis spectaculairement détériorée. En particulier, les attaques visant les camions-citernes ravitaillant le pays en carburant se sont multipliées, provoquant un effet domino sur l’ensemble du territoire. Cette stratégie cynique, dont l’objectif est de paralyser le pays et d’asphyxier la capitale, a débuté avec des attaques contre des transporteurs du corridor Dakar–Bamako, avant de s’étendre à tous les axes desservant la capitale. Ainsi, vendredi dernier, une attaque contre un convoi en provenance de la Côte d’Ivoire a provoqué l’incendie d’une cinquantaine de citernes.
Les Maliens cèdent face à la terreur
Combinées aux enlèvements d’élus locaux ou de militaires et aux menaces contre les transporteurs soupçonnés de collaborer avec les autorités, ces actions ont plongé le Mali dans une crise aiguë du carburant depuis plusieurs semaines. Par effet d’entraînement, cette pénurie généralisée a paralysé de nombreuses activités économiques. Incapables d’enrayer cette spirale, les autorités de la Transition dont les appels à la résilience sont de plus en plus inaudibles, laissent les populations livrées à elles-mêmes. Résignés, de plus en plus de Maliens cèdent face à la terreur. Ainsi, les responsables de la compagnie Diarra Transport, dont les activités étaient suspendues depuis le 3 septembre, ont dû présenter des excuses publiques aux terroristes pour pouvoir reprendre le service, une reconnaissance tacite de l’autorité parallèle des djihadistes.
Etonnante confiance des terroristes
Mais il se trouve que les citoyens isolés ne sont pas les seuls à admettre cette autorité de fait. Le pouvoir de Bamako, lui-même conscient de ses limites face à la menace, mène depuis plusieurs semaines des négociations discrètes avec le JNIM. Trop fiers pour l’assumer, Assimi Goïta et ses camarades ont recours à des autorités locales et à des intermédiaires officieux pour dialoguer avec les groupes armés, dans l’espoir de lever les blocus imposés à certaines localités et de faire cesser les attaques contre les convois. Mais les conditions imposées par les terroristes illustrent leur étonnante confiance : ils réclament des discussions directes et formelles avec l’Etat malien, la libération de prisonniers, y compris des poseurs de bombes, et même la fin du contrôle sur la vente informelle du carburant. A toutes ces revendications audacieuses, ils viennent d’ajouter l’exigence symbolique du port du voile intégral pour toutes les femmes empruntant les axes routiers du pays.
Echec patent
Au Mali, le pouvoir semble désormais migrer des militaires confinés à Bamako vers les djihadistes qui contrôlent la majeure partie du territoire. Une évolution qui illustre, s’il en fallait encore la preuve, l’échec patent de l’appui tant vanté de Moscou.
Boubacar Sanso Barry


