Aux régimes issus des élections, succèdent des juntes militaires. Ce n’est pas pour autant que la sécurité est tout à fait de retour. Les événements sanglants qui ont émaillé le Burkina Faso le week-end sont particulièrement illustratifs de cet état de fait. Une quarantaine de personnes tuées dans une série d’attaques qui ciblaient manifestement les Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Des attaques simultanément perpétrées dans le nord et le sud-est du pays et qui semblaient plutôt coordonnées. Un nouvel épisode de cette chronique macabre que les terroristes nous imposent dans cette bande sahélienne qui illustre à bien des égards les difficultés qu’il y a à venir à bout du fléau. En effet, si on peut admettre que Marc-Christian Kaboré, renversé en janvier dernier, n’avait pas brillé par l’efficacité de la lutte pour la restauration de la sécurité dans le pays, on voit bien que la bataille n’est pas non plus gagnée par les militaires qui ont pris sa place. Parce qu’en face, les djihadistes ne sont guère impressionnés et que la lutte contre le phénomène terroriste est plus complexe que l’impression qu’on peut en avoir à première vue.
Des victimes parties pour chercher à manger
C’est dans la commune de Guessel, dans la région du Sahel que les terroristes ont fait le plus de victimes, avec une vingtaine de personnes tuées dont 8 Volontaires pour la défense de la patrie (VDP). Mais c’est dans la province de Kompienga, au sud-est, que l’on perçoit l’envergure du drame qui se cache derrière l’insécurité que les islamistes ont installée sur l’ensemble de cette région. En effet, du fait de cette insécurité, les victimes, privées de nourritures, partaient à la recherche de quoi manger pour ne pas avoir à mourir de faim. Et elles avaient sollicité l’escorte des VDP à cette fin. Sauf qu’en cours de route, une quinzaine d’entre eux sont massacrés dont trois des éléments d’escorte et de nombreux autres blessés. L’autre mauvaise nouvelle se rapportant à cette attaque-là, c’est qu’elle a eu lieu pas loin de la frontière avec respectivement le Togo et le Bénin. Ce qui n’a rien de rassurant quand on sait que la menace se déplace progressivement vers les pays côtiers du Golfe de Guinée.
Un raccourci simpliste ?
Au-delà, ces attaques qui persistent en dépit du fait que ce soient des militaires qui sont désormais aux commandes du pays, doit interroger. N’est-ce pas là la preuve que le raccourci présentant le président Kaboré comme l’incarnation de l’inefficacité de la lutte était peut-être un peu trop simpliste ? Ne faudrait-il pas envisager les choses avec un peu plus d’humilité ? N’est-ce pas d’ailleurs ce que la junte burkinabè fait en projetant l’hypothèse d’un dialogue avec les islamistes au niveau local ?
Inscrire la lutte sur le temps long
De tous ces questionnements, il émerge que l’on devrait davantage inscrire la lutte contre le terrorisme sur le temps long. Ainsi, il ne serait pas nécessairement prudent d’assujettir le retour à l’ordre constitutionnel à la victoire contre les terroristes. Bien sûr, il ne faudra pas croiser les bras et tourner le dos à la terreur qu’endurent des millions de Burkinabè. Mais il importe d’avoir à l’esprit que la victoire ne se décrète pas. D’ailleurs, il faudra constamment intégrer le fait qu’une lutte authentique et acharnée contre l’injustice, la discrimination, les violations des droits humains ou encore la pauvreté, constitue, au même titre que la force des armes, un redoutable antidote contre le terrorisme.
Boubacar Sanso BARRY