Rajeunir la fonction publique, le dada de la junte au pouvoir en Guinée ? Il vous souviendra qu’en décembre 2021, pas moins de 350 fonctionnaires guinéens étaient envoyés à la retraite. Objectif : libérer des postes en faveur des plus jeunes (présentés a priori comme des colombes), l’administration publique étant jusqu’alors prise en otage par les gérontes qui préfèrent rester dans les rangs des actifs souvent jusqu’à leur mort, plutôt que de goûter aux jours tranquilles de la retraite. De tous les maux dont elle souffre, les voici accablés : ils en sont alors rendus responsables. On les dépeint en vieux vautours, comme s’ils ont toujours été ainsi, en oubliant—sciemment— qu’ils ont été aussi des jeunes, avec de belles idées plein la tête, des volontés de révolutionner le système, de chasser le ver du fruit, d’être des agents du service public dévoués, disposés à servir leurs administrés plutôt que de servir leurs intérêts personnels…
Ici le conflit de génération n’a donc pas lieu d’être, puisque la jeunesse n’est en rien un gage contre les agissements dont on fait le procès aux anciens. L’expérience montre qu’elle a beau résister (pour les plus hardis), vous jurer d’être imputrescible, elle finit toujours par succomber à la tentation, se laisser aller au climat ambiant, quand bien même eût-elle prêté serment sur la Bible ou le Coran ! Et pour cause ! Le système en l’état actuel a tout pour corrompre, transformer même une sainte âme en diable.
L’administration publique guinéenne est bien malade, c’est le cas de le dire. Mais de croire qu’il suffirait de mettre à des postes de direction des jeunes (à qui on prête beaucoup, me semble-t-il), pour résoudre le problème, me semble un leurre, une erreur de calcul, une démarche qui frise l’amateurisme. On conviendra avec moi que tout le désordre en son sein, dont on se plaint à juste titre, tient au fait qu’on a toujours considéré comme allant de soi que le politique se mêle de la gestion des carrières des agents de l’Etat. Or point n’est besoin d’avoir lu Max Weber pour savoir qu’on ne devient pas directeur d’un département d’une administration publique sans en avoir géré la section ou la division ! Etre fonctionnaire, ce n’est pas que d’avoir une tête bien garnie, c’est aussi avoir une fine connaissance des pratiques, des procédures ! C’est bien pour cela que certains pays se dotent d’école du service public, ou au moins mettent en place des mécanismes pour former leurs agents, avant de les mettre en service, et renforcer leurs capacités, par la formation continue.
Fonction publique de carrière ou d’emploi ?
La fonction publique obéit à un cadre légal propre, et les fonctionnaires ont un statut. Il convient alors d’être exigeant à cet égard, pour se garder de tomber dans les mêmes travers que les régimes précédents : le népotisme, le clientélisme…
Au regard des dernières vagues de nominations, s’interroger sur le statut des bénéficiaires du décret présidentiel s’impose. Sommes-nous dans une fonction publique de carrière ou d’emploi ? De carrière, non évidemment. D’emploi ? Dans ce cas, il conviendrait, par souci de transparence, d’en préciser les contours tout de suite. La fonction publique est à l’image de la société, la gérer de manière opaque, au bon vouloir du prince, ne fera que prolonger la vie de ses vieux démons. Il n’y a que par le concours qu’on devrait y accéder. Autrement, on tombe dans le désordre, et ce quand bien même fût-on dans une période d’exception !
La réforme de l’Etat et sa modernisation n’ont qu’une solution : le respect des règles et procédures. Les fonctions politiques sont une chose, les fonctions d’administrations publiques en sont tout autres !
Fassou David Condé