Le cancer est une pathologie que l’on diagnostic de plus en plus chez les Africains. Et bien sûr, la Guinée ne fait pas exception. A à en croire les données de l’OMS de mai 2021, 40 % des cancers détectés dans notre pays sont ceux du col de l’utérus. C’est le premier cancer touchant les femmes, suivi du cancer du sein (18 %). Entre méconnaissance de la maladie et les problèmes se rapportant à la prise en charge, les citoyens se perdent. C’est pourquoi la rédaction du Ledjely a interrogé Dr Ben Youssouf Keita, Médecins des Hôpitaux de Paris et ancien député et président de la commission Santé de l’Assemblée nationale (8ème législature).
Comment définissez-vous le cancer ?
Le cancer est une panoplie de maladies qui ont toutes pour caractère commun de se développer dans les cellules de l’organisme. Ça peut être des cellules du cerveau, du poumon, de l’estomac, de l’appareil génital masculin comme féminin, dans le sang, des os…Bref c’est une évolution anormale, anarchique des cellules qui se développent n’importe comment et au lieu de servir l’organisme, elles le desservent.
Quels sont les types les plus présents en Guinée ?
Cela dépend. Chez les hommes, surtout pour ceux qui fument beaucoup, c’est le cancer du poumon. En dehors de cela, c’est le cancer de foie pour ceux qui boivent assez d’alcool et le cancer de la prostate chez les personnes très âgées. Chez les femmes généralement, c’est le cancer de l’utérus et qui est causé par ce qu’on appelle des virus et le cancer du sein. Chez les albinos, le type de cancer le plus fréquent, c’est le cancer de la peau parce qu’ils n’ont pas de mélanine, ils n’ont pas de défense, les rayons ultraviolets du soleil peuvent provoquer le cancer chez eux. Comme la population guinéenne est beaucoup plus féminine que masculine, vous comprendrez que le type de cancer le plus fréquent aujourd’hui, c’est le cancer de l’utérus. C’est d’ailleurs ce pour quoi, il est recommandé aux femmes d’un certain âge – 30 à 40 ans – après une certaine activité reproductrice, de faire chaque année un dépistage précoce du col de l’utérus. C’est pour vérifier qu’il n’y a pas un cancer de l’utérus qui se manifestement. Ce dépistage précoce étant essentiel pour la prise en charge.
Et quelles sont les causes du cancer ?
Si c’est le cancer du poumon, c’est généralement l’inhalation de fumées toxiques. Ça peut être dans les usines, ça peut être la cigarette. Si c’est au niveau du foie que ce soit chez l’homme ou la femme, cela peut être lié à la consommation abusive de l’alcool ou des produits alcaloïdes. C’est pour cette raison qu’il est formellement déconseillé de se faire l’automédication et surtout de consommer les produits qui n’ont pas de dose. Quand vous allez chez nous dans les villages, on vous fait boire des décoctions qui ne sont pas dosées et si vous vous habituez à ces produits, vous pouvez à la longue avoir le cancer du foie. Chez les femmes, le cancer du sein vient de manière inopinée mais il peut y avoir une prédisposition. Si dans la famille, il y a la maman, la grand-mère, la tante paternelle ou maternelle qui a souffert de cancer, sachez que dans la famille, il est probable que vous souffriez de cancer du sein. Et c’est pourquoi, il faudrait à l’âge de la puberté, que chaque fois qu’une fille va se laver, elle-même touche ses seins pour voir s’il n’y a pas une petite boule qui commence à apparaitre au niveau cadrant supérieur externe du sein. Le cancer de la vessie, on peut le reconnaître directement à travers le saignement que l’intéressé peut faire en urinant. Les causes sont multiples et ça dépend du type de cancer.
Où en est-on avec la prise en charge du cancer dans notre pays ?
Le traitement du cancer dépend de la rapidité de son diagnostic et de la prise en charge rapide. Si le cancer est découvert très tôt, on peut faire une intervention chirurgicale pour enlever et après on soumet l’intéressé à la chimiothérapie. Parce que même si c’est une seule cellule cancéreuse qui reste dans l’organisme, elle va se redévelopper et vous pouvez retomber dans l’état de cancer. Donc, ce que nous recommandons, c’est la consultation, c’est la prévention à tous les niveaux. Si vous ne fumez pas, vous avez très peu de chance de faire le cancer du poumon, si vous ne buvez pas beaucoup d’alcool, vous avez très peu de chance de faire le cancer du foie. Si vous touchez chaque fois à votre sein, à partir de votre puberté, vous avez très peu de chance de développer le cancer du sein…Aujourd’hui, chez nous, c’est très difficile de prendre en charge le traitement du cancer.
Comment l’Etat fait face au phénomène du cancer ?
J’étais président de la commission santé de l’Assemblée nationale (8eme législature). J’ai initié un projet de loi pour que l’Etat guinéen prenne en charge le traitement du cancer à 100%, parce que c’est très coûteux et c’est à vie. C’est la même manière que j’ai initié la prise en charge également des insuffisances rénales, c’est très cher et il faut que l’Etat prenne en charge. C’est comme également les enfants qui souffrent de la drépanocytose, pour ceux qui souffrent de diabète avancé ou d’hypertension sévère …Donc, le cancer est dans cette catégorie, il faut que l’Etat guinéen, non seulement, ait des centres de prise en charge du cancer – il n’y a que le centre de jean Paul 2 et il n’y a pas de radiothérapie. Mais aussi il faut que l’Etat mette les moyens et donne la priorité à la prise en charge des maladies chroniques, non transmissibles et qui peuvent être incurables.
N’Famoussa Siby