L’opposant guinéen, Cellou Dalein Diallo, a dit au sujet de la Guinée, que l’année 2023 sera celle de tous les défis. Eh bien, il n’y a pas que pour ce pays que le nouvel an sera déterminant. C’est pour tout l’espace ouest-africain que 2023 sera décisif. Cet espace en proie à toutes sortes de convulsions et de périls est à la croisée des chemins. Le bien et le mal s’y livrent une bataille féroce, à travers le terrorisme rampant et ceux qui le combattent. La démocratie y est également de plus en plus menacée par le retour en grâce du pouvoir kaki et des leaders qui se veulent providentiels. Une tendance si séduisante que la CEDEAO a du mal à se faire entendre auprès d’une opinion publique désabusée par une classe politique manipulatrice. Sans oublier que cette partie du continent africain est devenue par la force des choses, le nouveau champ de bataille de l’affrontement géopolitique que se livrent l’Occident et la Russie. Et comme si tout cela ne suffisait pas, il y a que le Sénégal, cette belle exception dans la zone francophone notamment, s’amuse désormais à jouer avec le feu de la tentation du troisième mandat. Les perspectives paraissent donc bien sombres. Même si les messages de vœux, puisant davantage dans la méthode Coué, voudraient nous convaincre du contraire.
Le calendrier politique commence néanmoins avec une petite lueur d’espoir. En effet, à la différence du scrutin législatif d’il y a 4 ans, les législatives de dimanche prochain au Bénin vont connaître la participation de partis politiques de l’opposition. Ça ne veut nullement dire que l’opposition a reconquis tous ses droits dans le pays de Patrice Talon, mais on a l’impression que le président béninois a pris conscience des limites de son approche solitaire et cavalière. De même, au Nigéria, même si Boko Haram est loin d’avoir dit son dernier mot, on se félicite de savoir que ce géant régional tient au sacro-saint principe de limitation des mandats. En tout cas, Muhammadu Buhari s’en ira en février. Et il serait souhaitable que le Sénégalais Macky Sall fasse de même en 2024. Mais pour cela, il serait bien avisé de le clarifier en cette année 2023, de manière à éviter à son pays des incompréhensions et peut-être des tensions inutiles.
Par contre, en ce qui concerne le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, les perspectives sont difficilement lisibles. Certes, dans chacun de ces trois pays ayant en commun de traverser une transition militaire, le bout du tunnel est annoncé pour 2024. Si en Guinée, Mamadi Doumbouya a réitéré sa promesse de ne pas briguer la présidentielle devant sanctionner la transition, pour les deux autres, cela reste encore flou. Du flou et même de l’incertitude, il y en a encore davantage au sujet de la crise sécuritaire dont le Mali et le Burkina Faso demeurent toujours le théâtre. La situation est d’autant plus incertaine que le péril islamiste, comme un cancer, gagne de plus en plus les pays côtiers comme le Bénin et le Togo. Dans un contexte de grande méfiance avec la communauté internationale, la rhétorique nationaliste conjuguée à l’apport de Wagner ne produit pas encore les résultats escomptés. D’ailleurs, il est depuis longtemps admis que dans cette partie de l’Afrique, le terrorisme se combat davantage avec le pain qu’avec la Kalachnikov.
Le Mali, la Guinée et le Burkina Faso, trois pays qui donnent le tournis à la CEDEAO. L’instance sous-régionale ne sachant trop comment s’y prendre avec les deux colonels et le capitaine. Leur mettre un peu trop la pression ? On risque de les radicaliser et de les jeter entre les bras de la tendance populiste pro-Mouscou qui est en vogue. Les considérer comme des dirigeants normaux ? Cela passerait pour un adoubement des coups d’Etat et pousserait d’autres militaires à tenter l’aventure. D’ailleurs, des tentatives de putsch ont été déjouées en Guinée Bissau et plus récemment en Gambie. A l’intérieur même de chacun des pays, le président de la Transition est confronté à l’expérience pas toujours évidente de l’exercice réel du pouvoir. Entre les revendications sociales et les exigences des acteurs politiques, les réponses qu’Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya et Ibrahim Traoré devront fournir aux aspirations de leurs compatriotes, au-delà de la rengaine nationaliste, seront déterminantes pour l’issue heureuse que tout le monde espère.
Boubacar Sanso Barry