Outre les mots forts qui caractérisent chacune de ses sorties depuis son arrivée le mardi dernier, la visite du pape François en République démocratique du Congo (RDC) reste aussi très marquée par la puissance mobilisation à laquelle ce déplacement donne lieu de la part des Congolais. Un engouement populaire qui se sera particulièrement exprimé avec la messe que le souverain pontife a célébrée ce mercredi sur le tarmac de l’aéroport de Ndolo, dans l’est de la capitale Kinshasa, et à laquelle plus d’un million de personnes ont assisté. Des fidèles qui ont vaincu le sommeil et bravé le soleil pour venir écouter le message d’espoir du pape François. Justement, au-delà de la foi religieuse, c’est l’espoir qui justifie cette grande mobilisation. Les Congolais, en proie à des défis sécuritaire, politique et social, aiment à croire qu’avec le message et les prières du pape, les problèmes disparaitront, que la paix reviendra et que la page de la misère sera vite tournée. Comme par magie.
Croire au miracle
A Kinshasa, toutes les activités sont comme suspendues. Les projecteurs sont braqués sur la visite papale. L’engouement et l’enthousiasme sont perceptibles partout. Les discours du pape François sont écoutés et commentés dans les médias et au niveau des populations. On sent que le souverain pontife est en terrain conquis. Il est accueilli en sauveur et sa visite, le symbole d’un ultime espoir. Tenaillés de partout et ne comprenant pas qu’ils vivent si miséreux dans l’un des pays les plus riches du monde, les Congolais veulent croire au miracle. Avec les prières que ne manquera pas de faire le pape François, ils espèrent que le Ciel consentira à écouter leurs complaintes et à alléger leurs peines. Avec le déplacement du pape et les messages forts qu’il distille depuis son arrivée, les Congolais s’attendent aussi à ce que le monde se rappelle un peu de leur sort. Eux qui ont tendance à penser que le terrorisme et les coups d’Etat en Afrique de l’ouest et le conflit en Ukraine rendent inaudibles les cris de détresse des enfants et des femmes que l’on massacre dans l’Est de leur pays. Des attentes fortes et peut-être même démesurées se rattachent donc à ce déplacement du pape François. Des attentes qui sont cependant symptomatiques du besoin de paix, de développement et de cohésion du pays tout entier.
Dénonciation et condamnation
Et en face, l’hôte de marque de la RD Congo semble avoir compris ce besoin d’espérance. S’il ne peut maintenant et tout de suite exorciser tous les maux dont souffrent les Congolais, le pape François n’y va pas cependant de main morte pour dénoncer ceux qui en sont responsables. Dans un langage sans fard, il dénonce ainsi ceux qui, dans l’est du pays, coupent des pieds et des mains des enfants privés de scolarisation et éventrent cruellement des femmes dont le seul tort est de se retrouver sur ces terres immensément riches. Au-delà des groupes armés qui se salissent directement les mains sur le terrain, le pape François s’en prend également aux parrains régionaux qui sont dans une large mesure à la base de la poudrière qu’est devenue la région orientale de la République démocratique du Congo. Quant à la communauté internationale, c’est son silence hypocrite et au passage sa complicité passive que condamne le souverain pontife. Enfin, le pape témoigne sa compassion et sa solidarité aux victimes de toutes ces atrocités.
La faute aussi aux élites congolaises
Ceci étant, tous les malheurs du Congo ne sont pas imputables qu’aux autres. Les élites du pays y sont également pour quelque chose. Notoirement corrompues et particulièrement portées sur les richesses matérielles, elles se préoccupent très peu du sort du Congolais lambda. D’où les querelles fratricides qu’elles ont toujours alimentées à propos de la conquête et de la conservation du pouvoir qui lui-même donne accès aux richesses du pays. En cela, l’élection présidentielle prévue en fin d’année est un autre rendez-vous de taille.
Boubacar Sanso Barry