Au regard de la crise économique aigüe dans laquelle le pays est plongé à la suite de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine, sa réélection dès le premier tour relève d’une petite surprise pour ses adversaires. Mais c’est pourtant le président sortant, Julius Maada Bio qui sort vainqueur de l’élection présidentielle du 24 juin dernier en Sierra Léone. L’ancien putschiste reconverti en démocrate s’offre ainsi un deuxième mandat. Un second bail au cours duquel le président de 59 ans promet de mettre l’accent sur l’agriculture. Même si son adversaire, Samura Kamara conteste les résultats proclamés ce mardi 27 juin par la commission électorale, il aura de la peine à se faire entendre. Car les électeurs semblent avoir plutôt bien apprécié les efforts que le président sortant a réservés à l’éducation et à la promotion des droits de la femme au cours de son premier mandat. Quoique les observateurs soulignent qu’à l’inverse, l’espace civique s’en est trouvé considérablement rogné.
La Sierra Léone, un pays qui trace son sillon
La Sierra Léone se remet progressivement de la décennie de guerre civile qu’elle a connue au cours des années 1990 et qui a fait jusqu’à 200 000 victimes. Elle en est ainsi à sa cinquième élection depuis la fin officielle de la longue épreuve faite d’atrocités et de détresse. Et même si l’alternance que les partisans de l’opposition espéraient à l’issue du premier mandat du président sortant ne s’est pas produite, le pays en a connu d’autres au cours des dernières années. Lentement mais sûrement, la Sierra Léonie trace donc son sillon. Si elle demeure toujours un petit pays du continent, trainant dans son sillage la pauvreté de ses habitants comme un boulet, elle travaille néanmoins à émerger du brouillard.
Fair-play et galanterie
A propos des résultats de l’élection présidentielle de samedi dernier proclamés ce mardi 27 juin, ils créditent Julius Maada Bio, le président sortant, candidat du parti SLPP, de 56,17 %. Son principal challenger, Samura Kamara, le candidat du parti APC, lui, récolte 41,16 % des voix. On aurait aimé que ce dernier fasse montre de fair-play et de galanterie, en appelant le vainqueur pour le féliciter de sa victoire. Au contraire, il conteste les résultats. Mais cela ne risque guère d’aller au-delà des déclarations dans la presse. Car même si les observateurs ont noté des tensions entre les deux camps et même des couacs le jour du scrutin, cela n’a jamais pris des proportions de nature à affecter les résultats du vote des électeurs. Par ailleurs, le processus électoral sierra léonais n’est pas connu pour sa propension à frauder.
Des réformes structurelles
Cette dénonciation d’une supposée fraude qui n’existe manifestement pas découle plutôt du fait que l’opposition, en raison de la crise économique qui prévaut dans le pays, avait surévalué ses chances de l’emporter. Bien sûr, quand une élection se déroule dans un contexte où l’inflation se situe au-dessus de 40 %, il y a de quoi doper l’opposition. Mais visiblement, les électeurs sierra léonais n’ont pas fait le choix sur la base de la crise qu’ils croient conjoncturelle. Ils semblent plutôt s’être décidés sur la base des réformes structurelles que le président Julius Maada Bio a menées au cours des cinq dernières années. Il s’agit en particulier de son choix volontariste de réserver 22 % du budget national à l’éducation. Ce qui dans les faits, se traduit par la scolarisation et l’alphabétisation même des plus démunis. Il est vrai que c’est un choix fort dont la pertinence pourrait se révéler plus dans la durée. Son option délibérée de favoriser la promotion des droits des femmes, cela également est une décision forte. En Afrique, les dirigeants qui opèrent des choix de ce type ne courent pas les rues. Et les Sierra léonais ont visiblement salué cette singularité du président sortant. Parce qu’en réalité, même sur la question des droits politiques et civiques qu’il semble avoir restreints, cela sera de courte durée. Car un peuple instruit et avec un gent féminine épanouie et décomplexée n’a pas vocation à se soumettre. C’est dire qu’in fine, la réélection de Julius Maada Bio pourrait bien être méritée !
Boubacar Sanso Barry