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Transition en Guinée : Marc Fonbaustier sacrifie au “mea culpa” pour faire passer ses “vérités”

Cela relève d’un secret de polichinelle. En Afrique, la France marche désormais sur des œufs. Accusée tantôt de complicité avec les dirigeants qui asservissent leurs peuples, tantôt de torpiller les initiatives des leaders ‘’éclairés’’, elle est en quête de la bonne formule. L’équilibre n’étant pas toujours évident, les prises de parole des diplomates français sur le continent sont particulièrement scrutées. Et c’est dans ce contexte que l’ambassadeur de France en Guinée a prononcé le jeudi dernier, un discours à l’occasion de la fête du 14 juillet. Avec l’incertitude et la controverse que suscite la gestion de la Transition, Marc Fonbaustier se savait attendu. D’autres acteurs de la communauté internationale ayant émis leurs réserves et inquiétudes quant à la conduite de la Transition, lui ne devait pas faire l’impasse dessus. Au risque d’accréditer la thèse selon laquelle la France parraine le colonel Mamadi Doumbouya. Mais comment recadrer voire critiquer sans frustrer et éventuellement braquer ? Tel était le défi à surmonter pour l’ambassadeur. Et la formule que le diplomate français a trouvée pour faire passer la pilule est de se prêter à un acte de « contrition ». Pour cela, ayant manifestement cerné le penchant particulier que les autorités de la Transition ont pour Sékou Touré, l’ambassadeur a fait le choix de célébrer (ou réhabiliter) ce dernier. Suivant une ‘’humilité stratégique’’, il n’a pas non plus repris à son compte ‘’l’arrogance’’ que l’on reproche souvent à la France, dans ses anciennes colonies. Et à l’arrivée, l’exercice est jugé plutôt réussi.

Un officiel français rendant hommage à Sékou Touré, ce n’est pas si fréquent. C’est pourquoi le discours servi par l’ambassadeur Marc Fonbaustier est plutôt singulier. En effet, le jeudi dernier, son laïus était truffé de quatre citations du premier président guinéen, sur fond d’un rappel historique. Une façon de reconnaître au leader du PDG, la « justesse de ses idées », explique l’ambassadeur. Mais c’était surtout là le sacrifice à consentir pour que le diplomate passe ses messages sur la gestion de la Transition. Le premier d’entre ces messages étant celui-ci : « la vitalité démocratique, des élections inclusives, transparentes et crédibles, réclament, qu’on le veuille ou non, des partis politiques en ordre de marche, en bonne santé, avec la liberté de mouvement et la plénitude de leurs fonctions, de leurs capacités, adossées à un cadre légal. Il paraît fondamental – pour l’avenir du pays – que le dialogue, le respect mutuel et l’esprit d’ouverture prévalent à cet égard, pour le bon accomplissement de cette Transition. Ce que l’on appelle le « vivre ensemble » est sans doute une notion inclusive, qui repose sur des droits humains et des libertés fondamentales pleinement garantis et respectés, au même titre qu’une Justice solide, impartiale, fondée sur un Etat de droit ».

Mais avant d’en venir à cette « vérité », Marc Fonbaustier a tenu à mettre en exergue l’idéal panafricaniste qui habitait le père de l’indépendance, en énonçant cette citation sortie du discours du 25 août 1958, devant le Général de Gaulle : « La Guinée n’est pas seulement cette entité géographique que les hasards de l’Histoire ont délimitée, suivant les données de sa colonisation par la France, c’est aussi une part vive de l’Afrique, un morceau de ce continent qui palpite, sent, agit et pense à la mesure de son destin singulier ». Une autre suggestion que le diplomate français a subtilement faite à la Guinée est de lui rappeler que son avenir « dépendra de sa capacité à trouver le juste point d’équilibre entre unité et diversité, à faire tenir ensemble, harmonieusement, les communautés qui composent cette Nation, où toutes et chacune ont assurément beaucoup à apporter, où le tout est plus grand que les parties ». Un conseil qu’il s’empresse d’appuyer avec cette autre citation de Sékou Touré : « Unis et décidés, nous pouvons tout avoir ».

Evoquant les relations franco-guinéennes, l’ambassadeur ne s’est point privé de rappeler les péripéties par lesquelles celles-ci sont passées, depuis notamment le fameux discours du 25 août 1958. Mais là aussi, il a expressément noté l’attachement singulier que Sékou Touré avait pour l’indépendance. D’où ces autres propos de l’ancien président qu’il rapporte : « Il nous faut un droit au divorce, sans lequel le mariage franco-africain pourra être considéré dans le temps comme une construction arbitraire imposée aux générations montantes ». Des propos que Sékou Touré avait tenus dans le cadre des discussions préliminaires sur le projet de Communauté entre la France et ses colonies. Cela dit, plutôt que la rupture à laquelle son discours a donné lieu, Sékou Touré militait davantage pour l’interdépendance. « Notre cœur, notre raison, en plus de nos intérêts les plus évidents, nous font choisir sans hésitation l’interdépendance et la liberté dans l’union, plutôt que de nous définir sans la France et contre la France », ainsi que le ressort clairement cet autre extrait moins connu de son discours du 25 août 1958 que Marc Fonbaustier a exhumé.  

Au-delà de cet hommage à Sékou Touré, l’ambassadeur a aussi ouvertement relevé le souverainisme singulier qui caractérise la Guinée. « Vous êtes un pays souverain, nous autres Français le savons mieux que quiconque. C’est à la Guinée et son peuple, et elle seule, d’écrire son histoire, de maîtriser son destin, d’emprunter la route qu’elle voudra », a-t-il notamment déclaré. Dans la même veine, il a admis la résilience dont la Guinée a fait montre quand le Général de Gaulle « l’a abandonnée en plein vol », pour reprendre l’expression du premier ministre malien. « L’Histoire a ainsi fait qu’à un moment précis, à un moment donné, il aura fallu que la Guinée pallie le retrait rapide, systématique et général, de l’ex-puissance coloniale qui occupait quasiment tout son espace ; et dans le même temps, que la France assume la perte totale d’une relation avec un pays ami, considéré comme l’un des plus en vue de l’Afrique de l’ouest », a souligné le diplomate. L’ambassadeur va même jusqu’à se démarquer des propos du Général de Gaulle quand celui-ci, répondant à Sékou Touré, affirmait : « Un divorce, mais sans pension alimentaire ». Et bien sûr, quand vous avez pris autant de précautions et de garde-fous, vous ne pouvez que plus facilement faire appel au sens de l’honneur et de la parole donnée au peuple de Guinée et à la CEDEAO par les dirigeants de la Transition quant à la conduite de cette dernière. D’autant que le ministre le ministre des Affaires étrangères, lui-même, vous a répondu : « Vos citations de Sékou Touré nous sont allés droit au cœur ».

Il en va désormais ainsi des relations entre la France et l’Afrique, au-delà du Mali, du Burkina Faso et de la Centrafrique. Pour continuer à donner des leçons, l’ancienne puissance coloniale doit en contrepartie offrir quelque chose…

Boubacar Sanso Barry

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