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Nomination des chefs de quartiers et districts : l’argument bancal de Mory Condé

Le débat fait rage dans la cité. Depuis la publication, le mercredi 9 août 2023, du décret dont une des dispositions confère désormais aux gouverneurs de régions les prérogatives de nomination des chefs de quartiers et de districts, c’est à un tir groupé que l’on assiste de la part de l’ensemble de la classe politique. Y compris Dr. Faya Millimono, habituellement plus prompt à saluer les projets et les actions du CNRD. Devant le tollé général, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation, Mory Condé, a cru devoir s’en expliquer. Mais le moins qu’on puisse dire est que les arguments qu’il a mis en avant passent plutôt mal.

C’est chez nos confrères d’Africaguinee que Mory Condé a fait sa sortie pour donner les motifs qui inclinent les autorités à confier aux gouverneurs le soin de désigner dorénavant les chefs de quartiers et de districts. Au micro du site d’information, il déclare, en guise de réponse à la question à lui posée : « Les maires qui sont en fonction sont des politiques. Si je confie la responsabilité de la nomination d’un chef de quartier à Kankan au maire, il va nommer uniquement les militants du RPG au détriment de l’UFDG, l’UFR, ainsi de suite. Sauf qu’après, c’est moi qui serais appelé pour faire l’arbitrage par-ci par-là ». En somme, c’est pour éviter une certaine monopolisation de la gestion des quartiers et des districts par une seule formation politique que l’on choisirait de conférer le rôle de désignation des chefs de ces entités locales aux gouverneurs des régions. Ça part donc d’une intention louable, à priori.

Mais l’argument est trompeur. Et le ministre qui en a manifestement conscience n’a pas choisi l’exemple de Kankan par hasard. Parce qu’autrement, aucun maire ne peut « nommer uniquement des militants » de son parti. En la matière, l’article 99 de la loi organique N°039 de 2017 dispose d’une part, que le président du conseil de quartier ou de district est désigné par l’entité (politique) dont la liste est arrivée en tête, au scrutin communal dans ledit quartier ou district. D’autre part, il résulte du même article que les autres membres du Conseil de quartier ou de district sont désignés au prorata des résultats obtenus dans ledit quartier ou district par les listes de candidature à l’élection communale. Nous mettons ici en gras le terme ‘’prorata’’ pour souligner le fait qu’à l’exception du président, les autres membres du conseil de quartier ou de district sont désignés sur la base du poids électoral des différentes formations politiques ayant compéti au niveau communal.

Bien sûr, on se rappelle de tout le débat qui avait été généré par l’adoption de cette loi. Mais indépendamment de ces querelles, il reste entendu qu’avec ces dispositions, aucun maire ne peut, dans le reclus de sa chambre, désigner ses collaborateurs. Bien sûr, qu’à Kankan (l’exemple choisi par le ministre, ndlr) ou à Labé, le RPG et l’UFDG soient respectivement archi-majoritaires au sein du conseil, cela n’est pas imputable au maire. C’est là une logique dictée par la notion de fief. Ici, on prend donc le particulier qu’on assimile au général. Autrement, l’esprit de la loi garantit davantage la diversité et le pluralisme au sein du conseil de quartier et de district. Du moins, si on sort des particularismes. Par ailleurs, derrière le mécanisme prévu par la loi, il y a un principe démocratique, vu que les membres sont désignés sur la base du choix des citoyens.

Une autre faiblesse de l’argumentaire que tente de développer le ministre Mory Condé réside dans le fait de prétendre qu’une désignation faite par un gouverneur serait moins politique. En principe, il n’a pas tort. Mais cela vaut pour des pays où on a réussi à bâtir un Etat non partisan. Ce qui n’est pas encore le cas en Guinée. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien si c’est jusqu’ici une CENI et non le ministère de l’Administration du territoire qui se soit occupée des questions électorales. L’organe CENI est le symbole même du peu de confiance que les acteurs politiques – et à travers eux, les citoyens – ont pour l’Etat. Or, cette confiance ne se décrète pas. Elle ne s’instaure pas non plus à coup de baguette magique. Elle ne peut résulter que d’un processus impliquant une authentique remise en cause de part et d’autre. Mais en attendant, une seule profession de foi ne saurait la garantir. Surtout si en amont, les acteurs politiques n’ont pas été associés à la décision qui vient d’être prise.

Ainsi donc, le ministre de l’Administration du territoire joue sur des nuances qui donnent un caractère vraisemblable à l’argument qu’il développe. Mais le vraisemblable n’étant synonyme du vrai, il ne faut pas toujours s’y fier.

Boubacar Sanso Barry

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