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Analyse du discours du Président de la Transition de la République de Guinée

Plusieurs personnes m’ont interpellé pour analyser le discours tenu par le président de la transition de la Guinée à la tribune des nations unies en marge de la 78e session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies. Session dont le thème était ainsi libellé : « paix, prospérité, progrès et durabilité ».

Sur la démocratie : Le président de la transition fustige la démocratie et dit qu’elle a été imposée à l’Afrique.

Je crois qu’il est important de rappeler que la démocratie est l’organisation et la construction de la société par la volonté du peuple.

C’est un mouvement en direction d’un idéal d’égalité, de liberté et de participation des citoyens à la vie publique dont les institutions assurent la protection des droits des citoyens ou les libertés sont étendues et le système judiciaire indépendant et soumis à des règles honnêtes.

Alors si la démocratie n’est pas bonne pour l’Afrique, quelle forme de gouvernance le serait ?

Si je reprends le terme utilisé par beaucoup d’Africains qui disent qu’il faut africaniser la démocratie en tenant compte des réalités africaines.

On va faire un petit exercice de réflexion : pour le retour à l’ordre constitutionnel en Guinée, il faut 10 étapes et 600 millions de dollars comme dépense totale.

  • Le recensement général de la population et de l’habitat est estimé à 330 milliards GNF ;
  • Lee recensement administratif à vocation d’état-civil (RAVEC) à 1 400 milliards GNF ;
  • L’élaboration du fichier électoral, elle, à 593 milliards GNF ;
  • L’élaboration et la vulgarisation de la nouvelle constitution : 470 milliards GNF ;
  • Le scrutin référendaire : 481 milliards GNF ;
  • L’élaboration des textes de loi organique : 253 milliards GNF ;
  • Les élections locales : 473 milliards GNF ;
  • Les élections Législatives : entre 458 et 635 milliards GNF ;
  • L’élection Présidentielle : entre 281 à 750 milliards GNF.

Pour un total de 600 millions de dollars.

Alors je me pose la question pourquoi on se bat pour mobiliser 600 millions de dollars pour organiser des élections démocratiques, alors même que l’on juge inadapté le modèle démocratique. Première incohérence du discours.

Le discours à la prise du pouvoir du colonel disait que c’est une rectification institutionnelle pour instaurer un Etat de droit. Or, il y a des critères pour être reconnu état de droit.

Il faut avoir une constitution, des libertés garanties, une stabilité des institutions en respectant tout ce qui englobe la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Deuxième incohérence entre son discours lors du coup d’état et son discours à l’ONU.

Alors pourquoi avoir fait le coup d’état ? Mais je comprends mieux les discours des régimes putschistes sont toujours les mêmes.

S’il fait le procès de la démocratie, c’est soit il opte pour la monarchie ou l’oligarchie. Mais ces deux types de gouvernance sont dangereux.

Le colonel Mamadi Doumbouya dit qu’il aime la Guinée, mais il ne faut pas avoir peur de lui dire qu’il n’a pas de programme de gouvernance avec des politiques publiques effectives et efficaces pour sortir de la Guinée du trou, si l’on se veut intellectuellement honnête.

Sur le système international : Il faut savoir que la puissance est un concept central pour qualifier les Relations internationales.

Il y a des grandes puissances qui font du multilatéralisme quand elles le peuvent et l’unilatéralisme quand elles le doivent. C’est-à-dire qu’au fond, le droit international est une option pour les grandes puissances.

Le soft power est aussi une forme de la puissance, c’est-à-dire un pouvoir d’attraction à travers la culture, la politique étrangère et l’économie. C’est une forme de puissance qu’on peut mesurer par les indices.

Il ne faut pas oublier aussi qu’il y a une relation asymétrique entre les Etats. Il y a la puissance comme un pouvoir de coercition, c’est-à-dire d’envahir un autre Etat.

Exemple : Bush est allé au-dessus des institutions internationales pour entrer en guerre avec l’Irak. Il en est de même de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Bref, la puissance reste l’exercice d’un pouvoir de coercition militaire et pour sanctionner, il faut être en situation de puissance.

Pour résumer le système international est caractérisé d’anarchie, de puissance et de guerre.

Les USA regroupent 40 % des dépenses militaires mondiales.

La Russie à 900 bases militaires.

La Chine à un budget militaire de plus de 400 %.

Cette asymétrie de puissance infantilise carrément. C’est comme ça le système international et c’est exactement la nature de l’Etat que décrivait Thomas Hobbes.

Ça veut dire que la quête de la puissance est commune à tous les Etats. Ce sont les grandes puissances qui font la politique internationale.

Pour les réalistes, les grandes puissances font ce qu’elles veulent et les autres ce qu’elles peuvent.

Sur la souveraineté : certains pensent que la souveraineté des Etats, aujourd’hui, est faible, mais d’autres affirment que les Etats sont loin d’avoir perdu leur souveraineté.

On observe l’idée selon laquelle aujourd’hui face à la globalisation la souveraineté serait battue en brèche.

Les Etats, aujourd’hui, conservent des leviers d’actions pour réaffirmer leur souveraineté, que ce soit face au terrorisme, aux flux migratoires et à la cybercriminalité.

Sur la CEDEAO : je vais rappeler une chose importante : il faut savoir que changer de régime politique ou de constitution n’est pas interdit.

Ce qui est interdit par la charte africaine sur la gouvernance c’est de changer une constitution à 6 mois avant l’organisation d’une élection présidentielle.

Si on change 1 an avant, ce n’est pas un coup d’état constitutionnel. Il faut dire les choses telles qu’elles sont.

Le seul problème, c’est que l’article qui donne la latitude au président de modifier une constitution est dangereux, car il porte des germes de dictature pour les personnes malintentionnées.

Les coups d’Etat qui sont perpétrés sont souvent au lendemain d’une élection controversée. Si les coups d’Etat qu’ils opèrent est la rectification, le redressement ou le retour à l’ordre constitutionnel, pourquoi après avoir renversé un régime on ne remet pas le fauteuil présidentiel au vainqueur de la dernière élection présidentielle qui a un programme de gouvernance. Une autre incohérence du discours.

Exemple : Si on retourne 80 ans en arrière, on remarque qu’à l’époque, tous les pays aujourd’hui en proie à des coups d’état, avaient quasiment le même niveau de développement que la Chine, Dubaï et certains pays du BRICS.

Sur le Panafricanisme : j’ai un problème avec ce mot puisqu’on l’utilise quand ça nous arrange. Le panafricanisme devrait cesser d’être une idéologie.

Le panafricanisme devrait être reconnu comme une norme dans tous les pays africains, c’est plus facile et ça aurait l’avantage d’être encadré. Car l’idéologie est souvent associée à quelque chose de négatif.

Exemple : le néolibéralisme a cessé d’être une idéologie, il y a très longtemps, le libéralisme est devenu une norme. Cette libération a accéléré la mondialisation de l’économie avec l’intensification de la circulation des biens et services, des personnes, des capitaux et des TIC.

Le panafricanisme doit aller dans ce sens et sortir des discours politiques et aller vers le concret.

Dans son discours, il s’est programmé un programme dans l’ordre suivant : le social, le politique et l’économique. Il y a des problèmes à ce niveau également.

Sur le plan social : le pays est caractérisé par un certain nombre de fléaux dont la malnutrition, y compris pour les enfants, les problèmes de santé, le chômage endémique des jeunes, l’exode rural et l’émigration, entre autres.

Sur le plan économique : ce n’est pas non plus, le grand succès. Le panier de la ménagère reste cher. Il faut en moyenne jusqu’à 80 000 GNF pour nourrir une famille réduite. On ne peut dire que notre économie se porte quand on sait que ce que coûtent une miche de pain, un kilo de viande ou encore un poisson sur le marché. Surtout que nous sommes dans un pays où le SMIG est à 550 000 GNF.

En conclusion :

Que le président ait choisi de ne pas aller étaler les problèmes du pays devant le monde entier, cela je peux comprendre. Mais pour autant, le discours qui a été servi n’est pas le bon. En tout cas, nous espérons que nous autorités d’aujourd’hui vont tenir leur engagement et honorer la promesse relative à la durée de la Transition.

En tout cas, les 600 millions de dollars qu’elles sollicitent ne sauraient être un obstacle. Parce que, pourvu qu’on en fasse une priorité, la Guinée peut bien mobiliser une telle somme.

Il suffirait pour cela de réorienter les ressources aujourd’hui utilisées dans le cadre notamment de la réalisation de certaines infrastructures. Il suffirait donc de se rappeler qu’une transition est avant tout politique et que le retour à l’ordre constitutionnel, en est l’objectif premier. La gestion courante des affaires du pays étant l’autre mission assignée à une transition. Surtout, une transition n’est pas faite pour faire du développement, car le développement est un processus défini par des objectifs clairs, avant l’accession à la magistrature suprême du pays. D’où l’appellation programme de société.

Amadou BAH, Analyste politique

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