On croyait avoir été particulièrement servi avec le passage du témoin Oumar Youssouf Touré, celui-là qui a accusé même les avocats de Dadis d’avoir essayé de le corrompre pour le dissuader de témoigner. Mais on était manifestement loin du compte. Parce qu’avec la déposition, hier, de l’adjudant-chef Mamadi Soumaoro, on a l’impression que Moussa Dadis Camara et ceux de son camp auront davantage du mal à se sortir du pétrin. En tout cas, ce témoin-là, ancienne recrue de Kaléah a directement et explicitement mis en cause des éléments jadis formés dans ce camp dans la commission des crimes du stade du 28 septembre. Et de son témoignage, il ressort que les crimes en question étaient bien planifiés.
Mamadi Soumaoro dit avoir choisi de témoigner de son propre chef. Parce qu’à ses yeux, en étant à la maison, il a entendu des choses dans le cadre de ce procès qu’il ne voulait pas laisser passer. En particulier, c’est en entendant son ancien chef, Bienvenue Haba et ses avocats alléguer que personne n’avait quitté le camp de Kaléah à la veille de la manifestation du 28 septembre 2009 qu’il s’est résolu à venir témoigner. Il ne pouvait pas admettre cette dénégation, vu que, dit-il : « La base de tout ce qui s’est passé c’est lui, Bienvenue Haba. Donc, le même vient dire ici que personne n’avait quitté Kaléah pour Conakry, j’étais dans l’obligation de venir témoigner », soutient-il.
Expliquant avec des détails le mécanisme du recrutement des éléments qui étaient formés à Kaléah, Mamadi Soumaoro confie que l’objectif final de cette formation, c’était qu’in fine, les hommes puissent remplacer l’intégralité de la garde de l’ancien chef de la junte. Cela étant, relate-t-il : « Le 24 septembre 2009, une liste nous a été amenée par Bamba. Elle concernait les groupes Charlie et Titanic. Donc, les groupes-là ont disparu (de nos rangs) ».
L’autre indice de la participation des miliciens du camp Kaléah à la commission des crimes, ce sont les maillots du club anglais Chelsea. En effet, ces maillots étaient ceux qu’on arborait à l’intérieur du camp situé à Forécariah. A la seule différence, ceux qui qu’on a fait porter aux hommes déployés au stade ne portaient rien, alors que ceux qu’on portait à l’intérieur du camp étaient frappés de l’écriteau ‘’Régiment commando’’.
Par ailleurs, après le massacre du stade du 28 septembre, certains hommes qui s’étaient mystérieusement volatilisés du camp sont tout aussi mystérieusement revenus. C’est le cas du même Bienvenue qui est revenu avec d’autres éléments. « Parmi ceux qui sont partis à Conakry, il y’avait un certain Moriba Haba. Et moi j’étais très d’accord avec ce dernier. Il était du groupe Titanic. Il est revenu avec une moto alors qu’il n’avait pas de moto avant d’aller. Mais à son retour, son ami était blessé gravement et lui personnellement il était blessé. Il m’a dit ce qu’il a vu à Conakry, depuis sa naissance, il n’a jamais vu pareil. Il m’a ensuite dit que ce n’était plus la peine de rester au camp désormais. Il avait aussi l’argent, mais je ne sais pas combien. Et effectivement, il n’a pas dormi là-bas. Il est rentré à N’zérékoré et depuis lors, je ne l’ai plus revu », a raconté également le témoin.
Si ce récit se révèle authentique, Moussa Dadis Camara et plus largement toutes les autorités militaires qui étaient impliquées dans l’implantation et le fonctionnement du camp de Kaléah auraient du mal à se sortir de tout ça.
Toutefois, avec ce témoin-là en particulier, il y a un hic. Lui-même qu’il faisait partie de ceux qu’Aboubacar Sidiki Diakité alias Toumba, ancien aide de camp de Moussa Dadis Camara, au compte du quota qui lui été attribué, a aidé à intégrer l’armée. Ce lien originel ne conditionne-t-il son témoignage ? Là est la question.
Aminata Camara