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Boké : le musée régional en voie de disparition

Le musée régional de Boké est un établissement administratif situé au centre-ville de la préfecture non loin du siège de la préfecture. Il regorge pourtant d’objets historico-culturels permettant de camper la Guinée et la région de Boké en particulier. Mais l’établissement, rénové à plusieurs reprises par des personnes de bonne volonté, souffre aujourd’hui d’un déficit aigu de ressources, qui fait que le personnel est réduit au strict minimum. Encore ceux qui y sont font davantage dans le bénévolat. Une situation qui préoccupe François Koundouno, conservateur et guide au musée régional. Il s’est confié à notre reporter en mission dans cette zone minière.

Au musée régional de Boké, ce sont les canons symbole de la conquête du pays par les colons, qui accueillent les visiteurs. Toujours en rapport avec cette période de convoitise de l’Afrique, on y retrouve une stèle de René Caillé. Mais les bustes d’Almamy Samory Touré, Dinah Salifou Camara, Alpha Yaya Diallo et El Hadj Oumar Tall sont aussi là pour dire que les peuples de cette contrée du continent ne se sont pas tout de suite soumis aux conquérants blancs.

François Koundouno nous apprend que : « le musée a été construit en 1878 et c’était un fortin. Ça servait de logements et de bureaux administratifs aux Français qui étaient là. Pour la petite histoire, un explorateur français – René Caillé – y est passé en 1827, il cherchait à rallier Tombouctou. Pendant son séjour, il a visité et fait des découvertes et Boké l’a intéressé. Seulement, il n’était pas mandaté par le gouvernement français pour ce voyage. En partant, il a mis une borne là où il a marqué la date de son départ. Quand il est retourné en France, il a parlé des merveilles qu’il a trouvées à Boké et il a vraiment invité le gouvernement français à réaliser quelque chose sur le site. Donc, 51 ans après son passage, ce bâtiment désormais en R+1 a été construit ».

A l’intérieur du musée régional de Boké, plusieurs pièces décrivent l’histoire, les mœurs et les cultures des différentes ethnies de cette partie de la Guinée Maritime et de beaucoup d’autres régions. C’est une richesse inestimable. Des pièces collectées durant la période coloniale. « Le musée régional de Boké est plus riche que celui de Sandervalia. Il est à la fois ethnographique, c’est-à-dire culturel mais aussi historique. Il y a une salle où il y a des œuvres d’art des premières ethniques de Boké, c’est-à-dire les Landouma, les Baga et les Mikiforè. Il y a aussi des œuvres d’art d’autres ethnies de la Guinée comme les Malinké, les Guerzé, les Toma, les Koundjin, les Diola. A part cette salle ethnographico-culturelle, il y a aussi la salle historique. On a fait une bonne collection des personnalités qui ont marqué l’histoire de Boké, de la Guinée et de l’humanité.  A part ces deux composantes, nous avons une cave ‘’esclaviere’’ où les esclaves ont transité avant d’être déportés en Amérique latine. Là-bas, il y a trois cellules. Une grande cellule commune à tous les prisonniers ; une deuxième cellule qui servait de lieu de torture et où beaucoup ont succombé de leurs blessures et une cellule d’isolement. De cette cave, il y avait plus de 1 km à parcourir pour être embarqué dans le port négrier. C’est ce chemin que nous avons appelé chemin de non-retour ou chemin de l’esclavage. Si tu te retrouves à l’intérieur du canal, enchaîné, tu ne peux pas t’échapper. Donc tu fais tout le chemin avec des lignes brisées jusqu’au quai négriers qu’on appelle en soussou “Bakidèra”, c’est-à-dire l’embarcadère. C’est arrivé à ce quai qu’on embarque les esclaves pour ensuite les transvaser dans les grands navires qui, eux, stationnaient en haute mer. Comparé à l’île de Gorée (Sénégal), je dirai que ce que les esclaves subissaient chez nous ici était plus pénible », précise le guide, enthousiaste.

Le musée de Boké est donc une mine de savoir. Mais il est littéralement en voie de disparition. Parce qu’à l’abandon. Aucune subvention désormais. Conséquence, pas de toilettes publiques, aucune prise en charge du personnel. Les bénévoles qui y rodent perçoivent les subsides récoltés des rares activités de l’établissement. « Depuis 2001, aucun travailleur d’ici n’est salarié, tout le personnel est bénévole. Le seul conservateur que le musée a connu est parti à la retraite en 2001. Depuis lors, ce sont des jeunes bénévoles qui viennent s’occuper de ce musée pour ne pas que le bâtiment soit en ruine. Sinon personne n’est rémunéré par l’Etat, par la région et encore moins par la préfecture ou par la commune. Le personnel n’est pas pris en charge. Il n’y a aucun budget de fonctionnement. Le musée n’est pas viabilisé. Nous avons assez de pièces muséales qui manquent parce que le musée de Boké est en même temps ethnographique et historique. Il faut aller dans les villages pour collecter les œuvres d’art ethnographiques au compte du musée. Mais tout cela demande des moyens », se plaint François Koundouno.

Pour terminer, François Koundouno invite l’Etat notamment le ministère de la Culture, du Tourisme et de l’Artisanat à faire face aux préoccupations du musée. Aux personnes de bonne volonté, aux institutions et aux ressortissants de Kakandé, de venir en aide à ce musée qui regorge un pan important de notre histoire : « Mais cet appel est surtout à l’Etat parce que ce bâtiment est pour l’Etat. Il faudrait que l’Etat nous vienne en aide. Je demande au gouvernement de la Transition de nous aider », implore-t-il.

Fodé Soumah, envoyé spécial

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