C’est une option qui ne risque pas d’améliorer la dégradation du paysage démocratique en Afrique que le rapport Mo-Ibrahim 2023 publié ce mercredi 23 octobre met en évidence. En effet, les signaux sont évidents, Félix Tshisekedi, le président congolais, veut s’octroyer un troisième mandat, voire même une présidence à vie. Le discours qu’il a tenu hier consacre le point de départ de cette aventure périlleuse. Alors qu’il se révèle incapable de ramener la paix et la sécurité dans son pays, le voilà qui, comme émergent d’un long sommeil, réalise subitement que la constitution actuelle « n’est pas bonne » et qui promet de mettre en place une commission devant rédiger une nouvelle loi fondamentale « adaptée aux réalités de la République démocratique du Congo et qui ne va pas handicaper le fonctionnement du pays ». La supercherie est cousue de fil blanc. Car partout, ce sont les mêmes éléments de langage. On prétend redonner le pouvoir au peuple, alors qu’en réalité, dans le cas congolais, le président et ses collaborateurs entendent juste se prévaloir de la remise des compteurs de la constitution à zéro pour justifier le bail supplémentaire. Décidément, de Joseph Kabila à Félix Tshisekedi, la RD Congo tombe de Charybde en Scylla. Et c’est la preuve que nos pays souffrent surtout de leurs élites.
Tshisekedi sur les pas de Kabila
Alors qu’on prenait son élection plus que douteuse de 2018 comme un mal pour un bien, dans la mesure où elle consacrait la première alternance pacifique dans ce pays qui a recouvré son indépendance en 1960, voilà que Félix Tshisekedi est parti pour trahir ce maigre espoir. Ainsi donc, le président congolais n’est en rien différent de son prédécesseur. Comme jadis Joseph Kabila dont les Congolais ont eu du mal à se débarrasser, l’actuel président n’aime ni le Congo, ni les Congolais. A l’instar de tous nos dirigeants, sa préoccupation, c’est son pouvoir qu’il cherche donc à prolonger indéfiniment. On comprend mieux son cuisant échec à ramener la paix dans l’est du pays, pillé et martyrisé par le M23 soutenu par Paul Kagamé. A la veille de sa dernière élection de 2023, il nous avait servi tous les discours sur fond de fermeté et de menace. Il avait juré qu’il bouterait hors du pays les assaillants qui massacrent impunément les Congolais. Mais depuis, rien. Aucune action, aucun haut fait et surtout, sur le front, les rapports sont toujours favorables à l’ennemi qui contraint les villages à se vider de leurs habitants. Mais c’est bien ce président qui ne se gêne point de nous servir aujourd’hui que la constitution congolaise n’est pas bonne et qu’il faut la changer. Sous nos tropiques, on n’est manifestement pas à un paradoxe près.
Instrumentalisation du souverainisme
Pourtant, cette manœuvre, on aurait pu la voir poindre bien avant le discours d’hier. Parce qu’elle s’incarnait déjà dans la tunique nationaliste que le dirigeant congolais a progressivement endossée depuis son élection en 2018. Car c’est cela aussi chez nous. Le souverainisme et la dénonciation du néocolonialisme ne sont jamais sans arrière-pensée. Quand donc, surfant sur la vague du sentiment anti-français et occidental qui souffle dans les capitales africaines, Tshisekedi a dénoncé la condescendance et le mépris d’Emmanuel Macron, il préparait le terrain au troisième mandat. Ainsi, quand, à la suite des manœuvres qu’il prépare, un responsable surtout occidental se hasardera à lever le moindre doigt, le président congolais s’empressera d’exiger le respect de la souveraineté de son pays. Il criera à l’ingérence et à l’infantilisation des Congolais. Alors qu’il n’en a cure du respect des Congolais. De sa part, ce sera une instrumentalisation du souverainisme au profit de la boulimie du pouvoir. Venant de celui en qui les Congolais ont placé autant d’espoir, c’est bien dommage. Mais il en est ainsi de nos dirigeants.
Boubacar Sanso Barry