Pour l’heure, l’on ne connait pas les mobiles de l’arrestation, le lundi 14 octobre, par les autorités françaises, de Kemi Seba et de son camarade de lutte, Kery Djehuty. Mais on peut se risquer à envisager que c’est en lien avec ses prises de position anti-françaises. Prises de position au nom desquelles le polémiste d’origine béninoise a déjà été déchu, en juillet dernier, de sa nationalité française. Certes, le fondateur de l’ONG Urgences panafricanistes, comme tous ceux de son espèce, travaille moins à l’éveil des consciences des peuples noirs qu’à exploiter le besoin naïf que les Africains ont de trouver des responsables à leur retard chronique. En cela, lui et les autres, en véritables manipulateurs, font pire que les néo-colons qu’ils prétendent traquer. Pour autant, ce n’est pas en agissant comme elle le fait aujourd’hui que la France en viendra à bout. De la part de la France, le débat tout aussi sérieux que sensible du rapport à l’Afrique requiert autre chose que les arguments de la peur et de la répression. Tout au contraire, la question nécessite de la lucidité et non de l’émotion.
Mais en réalité, depuis un certain temps, la France, traumatisée par la brusque défiance qui lui est opposée au Sahel, multiplie les impairs. Tétanisée par un rejet qu’elle n’a pas vu venir – et qu’elle n’avait donc pas anticipé – elle peine à adopter la réaction qui sied à la situation. Aussi bien par les discours que par les actes, elle fait montre d’une réaction disproportionnée. C’est ainsi qu’on se rappelle des sorties intempestives d’Emmanuel Macron qui avaient plus que gêné la CEDEAO dans le dossier du Niger. Ne supportant pas le renversement de Mohamed Bazoum, il avait fait montre d’un tel interventionnisme qu’à lui tout seul, il avait laissé croire que l’organisation sous-régionale agissait sous ses ordres. Et à une échelle moindre, c’est un peu ce qu’il nous est donné de voir dans l’attitude dont la France fait aujourd’hui montre à l’égard de Kemi Seba.
Bien sûr, celui-ci n’est pas exempt de reproches. En faisant de la France la cible de toutes ses attaques, il savait qu’il n’a pas droit au tapis rouge à Paris. D’autant qu’il n’est pas celui qu’il prétend être, à savoir un défenseur authentique des intérêts d’un peuple africain uni et tourné vers la prospérité. Mais qu’il travaille à instrumentaliser les Africains, tout en se mettant au service d’un nouveau maître qu’est le Kremlin. Pour autant, rien de tout cela ne justifie que la France lui retire sa nationalité. Encore moins, les autorités françaises n’avaient pas à l’arrêter le lundi dernier. Même sa prétendue condamnation pour incitation à la haine raciale ne saurait expliquer les agissements des autorités françaises. Aux excès et aux contradictions de Kemi Seba, la France doit répondre avec ses principes et une certaine subtilité. Elle n’a pas à brandir les muscles.
Plus globalement, la France doit prendre le temps de penser sa réaction. En commençant par intégrer qu’une certaine époque est peut-être révolue. Celle où elle était en terrain conquis en Afrique. Ensuite seulement après, sur de nouvelles bases, elle pourra espérer renouer le fil avec les pays africains en usant davantage de l’outil de la séduction et en demeurant fidèle à ses valeurs. En espérant que d’ici là, les Africains, à leur tour, auront appris à prendre leur part de responsabilité dans le sort qui est le leur. Parce qu’ils ne feront pas sérieux aussi longtemps qu’ils voudront faire porter aux autres leurs propres tares ou irresponsabilités. C’est cela aussi la vérité que devraient leur dire Kemi Seba et tous les autres, s’ils avaient authentiquement envie de les aider. Au lieu de leur tenir les discours populistes que la jeunesse désœuvrée et abonnée aux réseaux sociaux a tendance ingurgiter sans aucun esprit critique.
Boubacar Sanso Barry
