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MANIFESTATION ANNONCÉE CONTRE ALPHA CONDÉ A PARIS : “Nous souhaitons qu’il soit rejeté par tous ceux qui se veulent démocrates” (Ibrahima Sorel Keita)

Alors que le doute plane sur le déplacement annoncé du président Alpha Condé en France afin de participer au sommet de Paris sur les économies africaines, le Font national pour la défense de la Constitution (FNDC), le Réveil Guinée (RV), l’Alliance nationale pour l’alternance et la démocratie (ANAD) et le Collectif pour la transition en Guinée (CTG) projettent de réserver un accueil mouvementé au locataire du palais Sekhoutoureyah. En effet, ces mouvements qui s’opposent au régime de Conakry appellent à une manifestation le 18 mai prochain dans la capitale française pour protester contre la venue de celui qui vient de s’octroyer un troisième mandat à la tête de la Guinée ainsi que les graves violations des droits de l’homme qui ont caractérisé les dernières échéances électorales en Guinée.

Dans une interview accordée au Djely, Ibrahima Sorel Keita, porte-parole du Collectif pour la transition en Guinée (CTG) est revenu sur les raisons de cette manifestation annoncée, les préparatifs de la mobilisation, mais aussi sur un possible dialogue politique en Guinée et les rapports qui existent entre son mouvement et les partis politiques guinéens.

Ledjely.com : Pourquoi voulez-vous manifester à l’occasion de l’arrivée du président Alpha Condé à Paris, le 18 mai prochain ?

Ibrahima Sorel Keita : Nous organisons cette manifestation pour protester contre la venue d’Alpha Condé en France, pays de droits de l’homme. Nous trouvons qu’il est totalement inadmissible qu’un président qui viole les droits élémentaires de son peuple, qui foule du pied les valeurs de la démocratie, vienne se refaire une virginité politique et morale en France ou ailleurs. C’est indécent que Alpha Condé, après tout ce qu’il fait subir au peuple de Guinée, vienne ici en France comme si de rien n’était. Donc, cette manifestation a pour objectif de protester contre cela et de permettre aussi aux Français, aux Européens, à la face du monde, de se rendre compte de la dangerosité de ce régime. L’objectif, c’est de montrer au reste du monde que Alpha Condé a pris le peuple de Guinée en otage ; que depuis dix ans, Alpha Condé a un bilan tragique. Il y a plus de 250 morts, qui sont tombés uniquement pour défendre leurs droits.

Quel message comptez-vous transmettre à cette occasion ?

Le message, c’est de dire que lorsqu’on ne respecte pas les droits de l’homme, on n’a rien à faire au pays des droits de l’homme qu’est la France. C’est aussi de montrer à la face du monde que Alpha Condé doit être rejeté. Le fait de recevoir Alpha Condé est une forme de crédibilisation de son régime. Donc, le message, c’est de dire aux autorités françaises ou européennes que cet homme doit être rejeté. Parce qu’à chaque fois que vous l’accueillez, vous justifiez les exactions qu’il commet en Guinée. Accueillir Alpha Condé, c’est de lui donner une forme de légitimité, de lui donner une sorte de chèque en blanc dont il peut considérer comme un soutien. Nous souhaitons qu’il soit rejeté par tous ceux qui se veulent démocrates. Nous voulons que Alpha Condé soit mis au banc des concerts des nations.

En termes de mobilisation, quels seront vos objectifs ?

La mobilisation s’annonce très bien. Nous sommes submergés par les demandes de Guinéens vivant dans plusieurs pays européens. Alpha Condé vient à Paris mais nous avons des frères et sœurs de la Belgique, de l’Angleterre, de l’Allemagne, des Pays-Bas et même de la Suède qui, aujourd’hui, nous contactent pour savoir comment il peuvent participer à cette manifestation. C’est quelque chose qui aura lieu à Paris mais qui va dépasser la capitale française en terme de mobilisation et de présence de la diaspora guinéenne. On a des Guinéens de plusieurs pays alentours qui veulent y participer. Tout se passe bien pour le moment, surtout grâce au travail de Sékou Koundouno qui est certes à Dakar mais qui fait un bon boulot. C’est un encouragement pour nous et puis un bon signe pour la suite. La seule chose qui peut créer une surprise, ce que Alpha Condé ait peur de venir en fin de compte. Nous sentons beaucoup de fébrilité dans son camp. Il se pourrait donc qu’il sursoie à venir. Évidemment, nous nous en réjouirons ! Mais s’il vient, il nous trouvera.

Qu’est-ce qui vous fait penser que le président Alpha Condé pourrait renoncer à ce voyage alors qu’il devrait y rencontrer le président français, Emmanuel Macron, et d’autres chefs d’Etat africains ?

Nous avons appris qu’il n’était pas sûr qu’il vienne en fin de compte donc quand vous avez prévu de faire quelque chose, et que vous ne la faites plus, c’est parce qu’en face, vous avez des gens qui vous empêchent de le faire, c’est un signe de fébrilité. Par ailleurs, à travers nos réseaux en Guinée, nous savons qu’il y a une panique à bord de la mouvance présidentielle.

Au-delà de cette mobilisation annoncée, vous militez pour la mise en place d’une transition en Guinée. Comment comptez-vous poursuivre la lutte ?

Nous allons continuer ce que nous avons commencé, à savoir interpeller, lancer des initiatives, faire des plaidoyers, mobiliser tous les partenaires à l’international de la Guinée pour leur demander de faire pression sur ce pays, leur montrer la dangerosité de ce régime. Nous allons aussi attaquer les caciques du régime côté judiciaire, comme nous l’avons commencé. Nous vous rappelons que nous sommes à l’origine de la plainte qui a été lancé il y a quelques mois contre Alpha Condé au Parquet national financier. Nous avons eu plus de 150 retours médias dans le monde. Alpha Condé a été très embêté et déstabilisé par cette plainte et l’écho médiatique mondial que la plainte a eu dans tous les pays, y compris en Russie. Nous allons continuer à la fois ces dénonciations collectives, mais aussi ces pressions individuelles sur quelques caciques de ce régime qui ont quand-même mis un frein sur l’économie du pays. Donc, nous allons faire en sorte que les leaders politiques s’unissent. Le pays ne bougera pas si les leaders, eux-mêmes, sont dans des stratégies personnelles ou individuelles. Donc, notre combat, c’est d’amener à rejoindre des dynamiques collectives et à faire bouger le peuple à travers des insurrections citoyennes civiles mais pas militaire. Car nous ne sommes pas partisans des coups d’État militaires.

Quels sont vos rapports avec les mouvements et partis politiques d’opposition basés en Guinée ?

Ils sont excellents puisque nous sommes en contact régulier avec les principaux leaders, c’est-à-dire les trois principaux partis les plus crédibles aujourd’hui que sont l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée), l’UFR (Union des forces républicaines) et le PEDN (Parti de l’espoir pour le développement national). Nous sommes aussi très proches des partis moyens comme celui de notre frère Aliou Bah qui se bat bien, qui porte une voix moderne et pertinente dans le débat politique guinéen. Nous sommes aussi en contact avec des amis de notre frère Bah Oury qui sont là en Europe. Nous partageons une convergence de vue sur l’analyse politique de la situation guinéenne et sur la nécessité d’un changement profond dans ce pays, pour une gouvernance différente, qui tient compte des intérêts et aspirations profondes des populations, qui ont comme objectif d’améliorer le bien-être des populations et de rassembler les Guinéens.

Nous considérons que ce pays est riche de ses ressources humaines et ses ressources ne sont pas qu’au niveau de l’opposition. Il y a aussi des ressources potentiellement formidables au niveau de la mouvance présidentielle. Il y a certains d’entre eux qui ont fait le choix de soutenir ce régime pour simplement apporter leur contribution. Maintenant, tous ceux qui n’ont pas les mains tachées de sang, pour nous, sont des gens avec qui travailler.

Depuis la réélection du président Alpha Condé pour son troisième mandat, on a l’impression que le front de la contestation s’est calmé. Comment expliquez-vous cela ?

Ce calme est relatif et précaire parce qu’il annonce des lendemains bruyants. C’est dû tout simplement aux fortes répressions. Comme je le disais, tout est aussi dû au fait que le peuple est fatigué de voir des leaders qui ne s’entendent pas, de voir des stratégies différentes qui sont en courent par rapport au changement. Le peuple a besoin de voir des leaders unis, donc ce que je suis entrain de vous dire est important. Parce que ça explique aussi pourquoi le front se fissure, pourquoi la dynamique s’émousse. Tout ça parce que aujourd’hui il y a une répression. Regardez les gens qui sont en prison. Pourquoi ils sont en prison ? On les accuses de fabriquer des armes mais c’est des balivernes. Ils sont en prison simplement parce qu’ils ont protesté et proposé l’alternatif. Donc aujourd’hui, c’est la peur qui se saisit du peuple de Guinée. Peur renforcée aussi par les difficultés du quotidien. Donc, tout cela fait que le peuple est fatigué. Ces leaders ont besoin d’une dynamique nouvelle. Cette dynamique viendra de la diaspora mais elle se forgera dans l’alliance de la diaspora avec les forces de l’intérieur.

Comment réagissez-vous au dialogue annoncé par les autorités guinéennes ?

Le dialogue dans un pays en crise est nécessaire. Parce que c’est avec le dialogue qu’on règle les problèmes. L’autre problème, ce que le dialogue ne doit pas être conduit par la partie qui pose problème, en l’occurrence par le régime en place. Il faut une autorité indépendante composée de gens qui font l’unanimité, qui sont respectés et respectables. Nous, nous avions proposé un Conseil supérieur de la transition composé de personnalités au dessus de la mêlée et qui sont reconnues par tous, qui appartiendraient à la mouvance, à l’opposition et à la diaspora, qui pourraient conduire ce dialogue, qui serait doté d’un pouvoir très important pour mener des réformes, des changements et surtout réconcilier les Guinéens. Nous ne sommes pas opposés au dialogue. Nous sommes juste opposés au schéma prévu par le gouvernement parce qu’on ne peut pas être juge et partie. Il faut des personnes avec beaucoup de pouvoir. Il y a de noms que j’avais cités dans une émission en Guinée. Il s’agit notamment de Monseigneur Robert Sarah parce qu’il est respecté par tous. C’est une autorité qui, même au Vatican, fait l’unanimité. Il y a encore des gens comme ça. Nous avons une liste d’une trentaine, voire plus, que nous avions déjà établie il y a quelques mois, lorsque nous avions lancé le Conseil supérieur de la transition. Malheureusement, le fait que les leaders politiques ne se sont pas entendus a cassé cette dynamique et Alpha Condé a réussi à se faire élire au mois d’octobre dernier. Entre août et septembre, nous avions bien avancé pour mettre en place cette instance. Ça aurait été soutenu par les autorités européennes notamment, et qui aurait pu bousculer l’agenda d’Alpha Condé. Hélas, les conflits entre les leaders ont aussi cassé cette dynamique.

Propos recueillis par Ali Mohamed Nasterlin

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