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La solitude a tué El hadj Abdoulaye ‘’Pablito’’

Les fameux hommages à titre posthume, il en est de nouveau question. En effet, depuis la disparition, ce samedi 15 mai 2021, d’El Hadj Abdoulaye Soumah alias ‘’Pablito’’, que n’a-t-on pas lu notamment sur les réseaux sociaux ? Des hommages dithyrambiques, en voici, en voilà. Chacun veut peindre le défunt avec des accents laudateurs. Surtout, personne ne veut être absent maintenant que Pablito n’est plus. Et bien sûr, il en sera de même, demain à l’occasion de l’oraison funèbre. Tout le monde voudra témoigner des qualités humaines et des services inestimables que le tout premier présentateur du Journal télévisé aura incarnées et rendus à la nation. Sur les visages de quelques-uns, perleront même des larmes de circonstances. Mais en réalité, tout cela aura des allures d’une comédie dont les Guinéens sont devenus des acteurs attitrés. En effet, quelle autre appellation devons-nous réserver à cette attitude qui incline les uns et les autres à s’empresser de chanter les louanges d’un défunt qu’ils ont poussé à la mort à force d’abandon ? Comment nommer cette hypocrisie collective qui nous pousse à pleurer la mort d’un proche, alors qu’on avait choisi de se détourner de lui quand il avait justement besoin de notre aide, de notre présence ? C’est cette ambivalence que dénonce dans les lignes ci-dessous un confrère pour lequel le défunt a sans doute servi de mentor.

Quelle République avons-nous bâtie qui se gausse de ses monuments, qui ne s’en rappelle que lorsque ceux-ci, raides, ne peuvent même plus réclamer l’intimité de reposer en paix, à l’abri de pleurs d’hypocrites, des discours des représentants d’un Etat qui auront brillé par leur insensibilité, qui auront acquis l’art de se murer face au cri de douleur des héros d’hier, qui arborent un sourire narquois  face  à la détresse de ceux qui, hier encore, faisaient la fierté de la nationalité guinéenne?

Abdoulaye Soumah ‘’Pablito’’ est mort. Demain, il y’aura des sirènes de la morgue à la mosquée, de là au cimetière de Cameroun. Demain, on trouvera « un trou » dans son emploi du temps pour aller dans sa famille, peut-être au Palais du peuple, rappeler combien il était bon présentateur, combien son sourire faisait la différence dans la sous-région, combien il avait su donner une bonne image de la Guinée. Ce soir déjà, les représentants de l’Etat travaillent sur les mots qu’ils aligneront quand ils emboucheront la trompette demain pour dire combien Pablito faisait la fierté de la Guinée.

La maladie à emporté El hadj Abdoulaye. Mais c’est surtout la solitude, l’isolement qui l’aura tué. Hier Pablito souffrait chez lui, seul, à quelques mètres du bureau de ceux dont c’est le travail, de protéger ceux qui ont été pour la nation. Fory Pablito est resté malade pendant près de vingt ans. C’est vrai, un moment, deux ministres parmi ses anciens amis lui avaient promis de le faire évacuer pour des soins. Il m’avait alors fait appeler pour que je lui trouve un passeport. Ce que je pus faire. Il était excité, il était heureux. Il avait fait nettoyer son costume pour le voyage. Il n’y a en jamais eu d’échos. Personne n’est revenu frapper à sa porte pour lui expliquer pourquoi ce voyage de l’espoir n’aura pas lieu.

Fory Pablito était malade. Le corps l’était. Mais l’esprit est resté sain, vif. Il est resté lucide jusqu’au bout, comprenant la couardise de ses compatriotes mais ne le commentant jamais. Il s’est éteint à petit feu, non loin de ceux dont le travail est de veiller sur les monuments de la nation.

Le pire, c’est qu’il était abandonné même par les journalistes de sa génération. Peut-être deux ou trois lui ont rendu visite une fois en quinze ans. Il était seul. Il est mort tout seul. Non loin du drapeau qu’il a servi et qu’il avait placé au-dessus de tout. Mais peut-être que son tort aura été d’avoir servi d’autres administrations et de n’avoir pas voulu ou n’avoir pu servir la nouvelle puissance…

Merci grand Pablito d’avoir régulièrement ajusté ma cravate et d’avoir toujours insisté pour que je prononce correctement le R.  Loin du pays, ton petit ‘’Nyana’’ te pleure et réalise combien il est dur d’être guinéen. J’aurai pu placer une fleur dans ta tombe pour que tu apportes le sourire aux autres qui t’ont précédé et qui, aussi, n’ont récolté les lauriers que le jour ou le toubib a ôté les deux embouts auriculaires de son stéthoscope qu’il a laissé pendre, désormais impuissant, autour de son cou.

Je voudrai témoigner que tu as été un grand journaliste. Certes, tu avais des défauts, mais n’étais-tu pas un être humain ?

La Guinée, la vraie, la Grande Guinée clame que tu as été un des fils aînés de ce pays.

Repose en paix El hadj Abdoulaye Soumah.

Yamoussa Sidibé

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