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Des questions que ne devraient pas omettre les acteurs de la transition

En parlant de la transition en cours en République de Guinée, outre la convergence générale sur la nécessité de la fondation d’institutions fortes, l’essentiel des propositions tournent autour du calendrier des élections ; de la configuration du gouvernement et des autres organes de la transition ; de la crainte que le CNRD ne s’empare définitivement du pouvoir qu’il a vocation à rendre aux civils ; de l’élaboration d’une nouvelle constitution etc. Ces facteurs sont assurément pertinents.

Pour autant, la question que je me pose ce matin est celle de savoir : peut-on bâtir un Etat de droit démocratique (avec des institutions fortes) en Guinée sans prendre en compte des grands événements influençant constamment la polarisation (communautaire) de la vie politique ?

La réponse négative à laquelle je crois suppose que soient pris en compte :

I. LA NÉCESSITÉ DE POSER DES BASES D’UNE EFFECTIVE RÉCONCILIATION NATIONALE :

Une telle idée passe par :

➢ L’institution d’une Commission Vérité et Réconciliation pour des crimes prescrits ; une Commission justice/vérité et réconciliation pour les autres :

==> Evènements de 1958-1982 ;

==> Evénements de 1985 ;

==> Evénements de 28 septembre 2008 ;

==> Evénements de Womé.

==> Autres crimes non jugés de 1990 en 2021.

Dans l’appréciation de la longueur du temps consacré à une telle action, il convient de ne pas omette l’évaluation de l’incidence de sa réalisation sur la stabilité effective de notre pays en termes non plus de simple coexistence au plan communautaires mais de cohabitation paisible.

II. LA NÉCESSITÉ DE LA RÉALISATION DES ÉTATS GÉNÉRAUX DANS DES DOMAINES CLÉS

La conduite d’une telle action suppose des moyens et le respect de quelques lignes directrices.

  • MOYENS ET DOMAINES CLÉS

Constitution de panels d’Experts et acteurs expérimentés dont la fonction consistera – dans certains domaines clés – à présenter une véritable étude critique (en termes de diagnostic et de recommandations) les maux de notre pays.

Mener des interviews chez les fonctionnaires, travailleurs, paysans, les ouvriers, l’élite dans les différentes parties du pays en vue poser, selon eux, les problèmes fondamentaux auxquels ils sont confrontés.

➢ Les états généraux de l’éducation

➢ Les états généraux de la justice

➢ Les états généraux de la sécurité

➢ Les états généraux de la santé

➢ (la liste n’est pas exhaustive ; elle n’a pas vocation à l’être).

  • RECOMMANDATIONS POUR LES ETATS GENERAUX

Si les états généraux devaient être réalisés, les autorités de la transition devraient éviter certains écueils :

  1. L’ambiguïté autour de l’objectif des états généraux : Ils ne doivent pas être :

a) Un tribunal populaire ou un cadre de règlement de compte ;

b) Un espace de propagande électorale ;

 Par contre, ils doivent servir de :

c) Cadre de rupture avec l’ordre préexistant ;

d) Cadre de lancement des bases de réformes démocratiques et de consolidation des institutions à créer ;

2. L’élargissement excessif du champ des sujets politiques débattus. Il convient, à ce titre, d’éviter de faire de tous les sujets une priorité, dans le contexte de la transition ;

3. Axer passionnément les débats en lien avec la transition sur la personne du dirigeant déchu. Ceci empêcherait de traiter des questions de fond ;

4. Axer passionnément les débats sur la personne des anciens premiers ministres ;

5. Choisir des gens n’ayant aucune expertise reconnue dans les domaines faisant l’objet de leur panel ;

6. Ne pas promouvoir une relation de confiance réciproque et se prêter aux actions de défiance réciproque ;

7. Maintenir les critères habituels de désignations dans les organes de la transition :

➢ Les autorités doivent tirer les leçons des erreurs que la PROSOPOGRAPHIE des institutions permet de percevoir.

➢ Constats des critères pris en compte dans les nominations : (Critère partisan ; critère du genre ; la profession d’origine, l’âge, l’origine ethnique (tacitement).

➢ Il convient ainsi de joindre à chacun de ces critères, le critère NOTABILAIRE et le critère « d’ACCÈS DIRECT ».

  • Critère notabilité : il décrit la trajectoire de personnes qui, parce qu’elles disposent d’une notoriété se font désigner dans certaines instances décisionnelles (élite, médecins, avocats, notaires ou chefs d’entreprise ; grand maçon ; grande coiffeuse ; grand plombier etc.).
  • Critère « d’accès direct au centre », renvoie à des personnes qui entament une carrière politique au plus près du pouvoir. (Diplômés de grandes universités).

En définitive,

➢ Cette transition POURRAIT être exclusivement dédiée à la préparation des modalités concrètes de dévolution du pouvoir (élaboration de la constitution, au terme de l’institution des organes de la transition ; organisation des consultations référendaires et des élections présidentielles et législatives).  Si un tel choix peut être efficace, la probabilité de son inefficacité est très élevée.

➢ Cette transition DEVRAIT être une transition de fondation. Car, si un tel choix ne garantit rien a priori sans la bonne foi des acteurs, la probabilité qu’elle mène à des résultats impeccables en terme de fonctionnement de nos institutions est très élevée, lorsque les acteurs s’y mettent conséquemment.

En réactions, on pourrait être tenté de soutenir qu’il ne convient pas d’aborder certains grands défis de notre société dans un contexte transitoire.

Pour autant, une telle conception des choses serait juste à une seule condition : que les Guinéens soient convaincus qu’un homme politique, élu sur une base partisane (au sens de son parti politique ou de la coalition formée), soit en mesure de courageusement soulever les problèmes représentant les plus grands facteurs sociologiques et historiques de fragilisation de nos institutions. Or, il n’en est rien.

Le contexte transitoire a ainsi l’avantage de connaître l’implication d’acteurs militaires qui, s’ils n’ont pas une vocation politique, peuvent au moins, dans nos sociétés, inspirer la crainte du « sabotage ». Ils pourraient ainsi, avec la collaboration de personnalités civiles choisies, mener des actions tellement courageuses, que le président élu au terme de la transition serait conforté par la solidité des institutions.

Relevons que, sur ce dernier aspect, de la même manière qu’il serait naïf de croire que les autorités de la transition seraient ou ne commettraient aucune action déplaisante, il serait également excessivement pessimiste de croire qu’ils ne seraient guère préoccupés par l’intérêt général. L’attitude citoyenne devrait prendre la forme d’un équilibre :

  1. la vigilance dans la confiance et non dans la défiance.
  2. S’intéresser à la manière de configurer les organes de la transition de manière à ce que sa longueur éventuelle ne paraisse pas exclusive des acteurs politiques et de leurs préoccupations légitimes.
  3. Proposer des idées et suivre constamment leur mise en œuvre de manière à ce que la longueur éventuelle de la transition dictée par la fondation des institutions ne s’opère pas d’une manière attentatoire au plein exercice des droits et libertés des citoyens…etc.

Jean Paul KOTEMBEDOUNO

Attaché temporaire d’Enseignement et de Recherche à l’Ecole de droit de la Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

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