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Habibatou Sow, marquée à vie par son mariage précoce

C’est en écoutant certains récits particulièrement poignants que l’on réalise toute la pertinence des efforts que les Etats et leurs partenaires déploient pour tenter d’éradiquer les mariages d’enfants. Et l’histoire qui suit illustre à bien des égards le caractère néfaste de ce phénomène encore très répandu dans nos sociétés.  

Tout a commencé par un appel

Quand, en 2014, Habibatou s’est mariée dans un village de la préfecture de Lélouma, elle n’avait que 13 ans. Son époux, Misbaou, en avait lui, 30 de plus. Mais cette union allait donner lieu à une expérience dont le traumatisme continue de hanter celle qui est devenue aujourd’hui une jeune dame. Tout est parti d’un appel téléphonique des plus banals entre deux amies, la mère de Habi d’une part, et la grande sœur de Misbaou de l’autre. A la base, les deux devaient juste papoter, comme d’habitude. Mais ce jour-là, elles en viennent à parler de la jeune fille dont elles louent le développement prodigieux. Au point qu’elles concluent qu’elle peut même se marier. « Et si on la mariait à mon frère Misbaou », demande la sœur du futur époux ? Au bout de la ligne, l’autre répond : « Pourquoi pas ? Tu sais bien que je ne peux rien te refuser. En plus, de nos jours, quand une fille commence à grandir, il vaut mieux s’empresser de la donner en mariage pour s’éviter des problèmes inutiles ». Bref, le principe d’une alliance entre les deux familles est arrêté au bout de la conversation.  Un mois après, le mariage coutumier était conclu. Aussitôt, Habibatou à qui on n’avait pas demandé son avis rejoignait son époux à N’zérékoré.

Tissu nuptial ensanglanté

Première déconvenue, l’aventurier dont le succès fait des envieux au village squatte une minuscule pièce. Quant à son activité, elle se ramène à la gestion d’un vidéo club. Mais à ce moment-là, les préoccupations de Misbaou sont bien ailleurs. En effet, conformément aux instructions de ses tantes maternelles, il lui faut consommer le mariage avec sa femme afin que l’on vérifie que la jeune mariée est bien vierge. La nuit de ce premier acte est donc fixée. Bien sûr, Habibatou n’en est pas informée. Un de ces soirs, elle est donc très surprise de se voir interdite de sortir de la chambre, après son bain. Quelques minutes après, elle est rejointe par son mari. Elle est même tétanisée, quand celui-ci verrouille la porte de l’intérieur. Mais elle n’a pas le temps de réaliser, que se débarrassant de ses habits, il s’avance vers elle. Apeurée, elle recule et veut même s’enfuir. Mais elle se retrouve dos au mur. Usant de ses bras, elle tente de le repousser.  « Mais qu’est-ce que tu fais ? Ne t’approche pas de moi. Ne me touche pas », lui lance-t-elle. Elle appelle au secours. Mais les trois vieilles qui veillaient dehors, en attendant de récupérer le tissu nuptial ensanglanté ne bougent pas le petit doigt.

« …sa poitrine contre la mienne »

Du coup, Habibatou finit par se retrouver dans le lit. Il lui débarrasse du seul pagne qu’elle nouait autour de sa taille. Et ce qui devait arriver arriva. Mais elle s’évanouie avant la fin de l’acte. « J’ai essayé de me débattre, mais il était plus fort que moi. Ses genoux plaqués sur mes cuisses, mes deux poignées tenues par une seule de ses mains, il a usé de la seconde pour réussir à faire ce qu’il voulait », raconte-t-elle, pudique. Là, elle arrête le récit. On la sent qui revit la douleur. Mais au bout de quelques secondes, elle surmonte le mal et reprend : « La seule chose dont je me rappelle, c’est sa poitrine contre la mienne. J’ai commencé à avoir des vertiges. A un moment donné, c’est comme si j’étais dans un trou noir. J’ai fermé les yeux. Quand je les ai rouverts, j’étais dans un autre lit avec des fils branchés sur ma main »

Bébé abandonné

De fait, à son réveil, une dame était à son chevet, c’est la grande sœur de son époux. Celle-ci lui dit le plus normalement du monde : « Nous sommes à l’hôpital. Tout à l’heure, tu n’allais pas bien. Mais les médecins nous ont rassurés que ça va maintenant. » Après trois jours d’hospitalisation, les médecins la libèrent en effet et elle rentre à la maison. Mais son calvaire n’en était qu’à ses débuts. Cette expérience, elle devait la revivre plusieurs fois, en dépit de son état. Au bout d’un mois, elle se réveillait avec une forte nausée. Elle était enceinte. Une grossesse qu’elle mène avec toutes les difficultés. En sorte qu’à peine un an après avoir donné naissance à un garçon, elle devait abandonner le bébé entre les mains de son mari pour s’enfuir à Conakry. Dans la capitale guinéenne, elle est récupérée par une « bonne âme » qui l’aide à trouver un emploi dans son restaurant.

Selon l’Enquête démographique et de santé (EDS 2018), en Guinée, 46% des femmes âgées de 20 à 49 ans ont été mariées avant 18 ans.

Mariama Ciré Diallo

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