La Justice guinéenne s’est-elle améliorée entre le régime du président Alpha Condé et celui du colonel Doumbouya ? Cette question, chacun de nous a été amenée à se la poser. Surtout qu’en cette période de transition, la justice est particulièrement sollicitée. Eh bien, Foniké Menguè est singulièrement bien placé pour faire le parallèle. En effet, le coordinateur national du Front national pour la défense de la constitution (FNDC) s’est retrouvé au cœur de cette justice sous les deux régimes. Quand, le 5 septembre 2021, Mamadi Doumbouya a renversé Alpha Condé, Oumar Sylla était au bagne. Et là, il vient d’en sortir à nouveau, après une détention préventive qui aura duré 9 mois. Il s’y ajoute que les raisons de son séjour carcéral d’hier à aujourd’hui, demeurent plutôt similaires. Donc, lui ne voit pas nécessairement les fameux « progrès » que la justice guinéenne pourrait avoir engrangés depuis qu’Alpha Condé n’est plus au palais Sékhoutouréyah. La mue promise n’est pas au rendez-vous, à l’en croire. Tout au contraire.
Oumar Sylla n’a pas boudé son plaisir. Désireux de se servir du procès qui est organisé à leur intention – à lui, Ibrahima Diallo et Saïkou Yaya Barry – comme d’une tribune, il a profité de son audition d’hier pour livrer un réquisitoire plutôt cinglant contre la justice guinéenne. A ses yeux, d’hier à aujourd’hui, rien n’a changé. « Après le coup d’Etat du 5 septembre, nous avons vu les magistrats guinéens devant le colonel Doumbouya, au palais du peuple, dire qu’ils n’agissaient pas par conviction, qu’ils n’agissaient pas conformément à la loi. Ils ont dit devant tout le monde qu’ils étaient instrumentalisés. On a même écouté un audio où l’actuel ministre de la Justice avait enregistré l’ancien procureur de Dixinn pour dire que celui-ci était venu le voir pour qu’il m’inflige (à l’époque) une lourde peine ; mais qu’il n’a pas accepté. Pourtant, c’est la même chose qui continue », dit-il dans un premier temps.
Et cette absence de progrès, il en est affligé. « Cela me fait mal qu’aujourd’hui encore, en cette transition, on foule la justice au sol. Mon combat a toujours été pour que la justice soit pour tous les Guinéens, la liberté pour tous les Guinéens. Mais aujourd’hui, quand je vois cette justice, je me dis qu’on n’est pas sorti de l’auberge. Le plus grand mal de ce pays, c’est la justice. Ça me fait mal de le dire. J’ai souhaité que dans le cadre de cette transition, on puisse rectifier le tir. Mais c’est tout le contraire qui se présente de nos jours. Nous voyons un ministre de la Justice qui pense que la justice c’est lui. Il se substitue à la loi. Il pense qu’il maîtrise la justice mieux que quiconque », déclare, dans une allusion explicite au ministre Alphonse Charles Wright.
Déçu par ce qu’il assimile à la fois à de la trahison et un dévoiement des précédentes luttes menées notamment sous Alpha Condé, Foniké Menguè promet que lui et ses compagnons n’abandonneront pas. « On est prêt à faire la prison pour qu’il y ait la justice pour tout le monde. On est prêt à faire la prison pour qu’il y ait la liberté pour tout le monde. On a déjà prêté serment pour ça. On a fait les ablutions devant tout le monde et on a mis les mains sur le Coran pour nous engager à défendre les valeurs de la Guinée, les valeurs républicaines. On s’était déjà inscrit dans cette logique », indique-t-il.
Et il invite les Guinéens à se joindre à cette dynamique. « Je demande à tous les Guinéens, surtout les magistrats, donnons-nous la main pour aider cette justice. Cette justice, elle est aujourd’hui malade. Je n’ai pas besoin de le dire, vous le savez déjà. Essayons d’œuvrer ensemble pour rectifier le tir. Notre justice est malade, essayons de la guérir », a-t-il lancé.
Propos recueillis par Aminata Camara
