Décidément, Macky Sall, le président sénégalais, ne reculera devant rien pour avoir son troisième mandat. Quitte à remettre en cause la légendaire tradition d’hospitalité du peuple de la Teranga. En témoignent ces vagues d’Africains raflés dans la foulée des manifestations qui ont suivi l’annonce de la condamnation, le 1er juillet 2023, de son principal opposant, Ousmane Sonko, à deux ans de prison pour corruption de la jeunesse. C’est dans ce contexte que 79 Guinéens – 64 nous dit une source sénégalaise – sont en route pour rejoindre la Guinée. De la part du président sénégalais, c’est là une manœuvre dont l’objectif est de donner du crédit au discours selon lequel ce sont des étrangers armés par l’opposition qui ont orchestré les violences à Dakar. Ce, alors même que des témoins ont bel et bien vu des jeunes se faire payer au siège de l’APR, le parti présidentiel.
Devant les critiques acerbes contre la répression sanglante que son pouvoir a réservée aux manifestations ayant suivi la condamnation d’Ousmane Sonko, le 1er juin dernier, Macky Sall est dans la tourmente. Il se sent à l’étroit et se cherche désespérément une échappatoire. Et celle que lui et ses partisans s’efforcent de faire émerger, c’est d’accuser l’opposition d’avoir armé des « nervis » pour semer le chaos. Une ligne de défense indigne d’un Macky Sall qu’on croyait au-dessus d’un tel niveau de débat. Mais décidément, les politiques sous nos tropiques sont faits de la même étoffe. Tous sont prédisposés à décevoir.
« Les Guinéens qui sont rapatriés n’étaient pas des manifestants comme on le dit dans certains médias. A la suite des manifestations, il y a eu des rafles dans les rues et quartier de Dakar. On en a pris de toutes les catégories et de toutes les nationalités, des hommes et des femmes même enceintes. Et ceux qui ont été rapatriés, ce sont ceux-là qui n’avaient pas de carte consulaire. Ceux qui ont été pris dans le cadre des manifestations sont encore en prison. Personne n’est encore sorti », a précisé à notre rédaction, Amadou Oury Diallo, Haut conseil des Guinéens au Sénégal.
Ainsi donc, après les manifestations, le président sénégalais a orchestré des rafles. Dans la foulée, on a pris des Guinéens, des Burkinabè, des Congolais, etc. dont certains ont été expulsés du pays. Pas besoin d’être devin pour comprendre la manœuvre. Puis que les autorités sénégalaises ont évoqué l’hypothèse de l’infiltration des manifestants sénégalais par des « nervis » importés d’ailleurs, il faut suivre la logique jusqu’au bout. Avec ces rafles, le pouvoir s’évertue à crédibiliser son discours. Quitte à mettre à mal l’intégration sous-régionale.
Ceci étant, il n’est pas sûr que cela suffise pour sauver Macky. En effet, s’il y a eu des « nervis » dans le cadre des dernières violences dont Dakar a été le théâtre, cela est davantage le fait des autorités sénégalaises. Des indices de preuve existent en cela. Nos confrères du journal français Le Monde, rappellent qu’en mars 2021 également des « hommes casqués avaient été filmés roulant dans des pick-up dans différentes artères de Dakar, armés principalement de gourdins et de battes de baseball, affrontant des manifestants en colère après la mise en détention d’Ousmane Sonko ». Et dans le cadre des manifestations de début juin dernier, le journal évoque des vidéos montrant des « véhicules similaires et des images montrent leurs passagers entrant au siège du parti au pouvoir, l’APR, où des jeunes gens ont été vus par des journalistes touchant de l’argent ».
C’est donc pathétique comme manœuvre. Et surtout extrêmement vil de la part en particulier de Macky Sall. Après ça, que peut-on espérer de notre machin de la CEDEAO ? Pas grand-chose malheureusement !
Boubacar Sanso Barry
