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Guerre au Soudan : les incantations de l’Union africaine

Le chaos dans lequel le Soudan est plongé depuis le mois d’avril, du fait des affrontements entre les hommes d’Abdel Fattah Al-Bourhane et ceux du général Mohammed Hamdan Daglo alias Hemetti, est illustratif des limites de l’Union africaine. Depuis trois mois en effet que les deux camps s’y livrent une guerre qui a fait déjà 3 000 morts et plus de 3 millions de déplacés, le silence de l’Union africaine n’est que trop assourdissant. Les quelques rares fois où on a obtenu un cessez-le-feu, c’était à l’initiative de l’Arabie Saoudite et des Etats-Unis. Et même quand l’UA feint de s’en saisir, elle est incapable d’aller au-delà des incantations et des nobles intentions. C’est du reste ce qui s’est passé à l’issue de la rencontre de l’organisation qui s’est achevée hier à Naïrobi, au Kenya. Abordant le conflit de manière plutôt marginale, la quinzaine de chefs d’Etat réunis autour du président William Ruto se bornant à souhaiter un « cessez-le-feu permanent ». Comme si les belligérants pouvaient se laisser influencer par de simples prières.

Affrontements fratricides

C’est un type de conflit qu’on croyait plutôt révolu en Afrique. Ces affrontements fratricides au moyen d’armes lourdes entre frères ennemis à l’intérieur d’un même pays, avec à la clef des milliers de victimes n’ayant rien à voir avec les enjeux de la guerre. Les ravages des conflits du genre au Libéria et en Sierra Léone, pensait-on, étaient en cela suffisamment illustratifs. Malheureusement, la guerre entre les généraux Bourhane et Hemetti nous sort de notre bulle. Depuis le 15 avril dernier, Khartoum et d’autres villes du pays ont rompu avec le calme précaire qu’elles savouraient depuis la chute d’Omar El Béchir. Soutenus par des parrains étrangers, les deux camps ne se font aucun cadeau. Aveuglés par la haine de l’adversaire et boostés par la perspective de contrôler le pouvoir, ils sont lancés dans un conflit qui n’admet pas la neutralité. Ainsi, aucun camp ne se soucie en réalité des victimes civiles. Mêmes les médecins censés apporter secours et soins aux blessés ne sont pas épargnés. Conséquence, on déplore déjà plus de 3000 morts. Quant aux déplacés et réfugiés, ils se comptent en millions avec notamment des femmes et des enfants, brusquement tirés de leurs demeures et coupés de leurs familles. Et même, le procureur de la CPI n’exclut pas la commission notamment par le camp du général Hemetti de crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au Darfour. Darfour, une région décidément abonnée au martyre.

Les moyens, une parade

Mais au-delà de toutes ces horreurs, le plus navrant reste la réaction de l’Afrique à travers l’UA. Ou plutôt la non-réaction. Parce qu’il ne se passe rien. Des enfants et des femmes soudanais se font massacrer par milliers, mais les dirigeants du continent restent silencieux. Comme c’est souvent le cas, ils refilent la patate chaude à d’autres acteurs extérieurs au continent. Se défaussant ainsi de leur responsabilité. En l’occurrence, c’est l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis qui s’y collent. C’est en tout cas à travers des initiatives entreprises par ces deux qu’on a pu obtenir quelques rares cessez-le-feu. Bien sûr, on ne le revendique pas ouvertement. Mais l’argument implicite derrière lequel nos présidents s’abritent, c’est l’habituelle absence de moyens. Les moyens, encore les moyens et toujours les moyens ! C’est la parade classique pour ces pleurnichards notoires. Or, le véritable problème, il est ailleurs. Il se nomme manque d’ambition. Il s’appelle renoncement à son devoir et à la grandeur. Ses autres noms sont fatalisme et résignation. Nos leaders n’ont jamais compris que la volonté précède les moyens. Et c’est ce paradigme qu’il va falloir changer. Autrement, le monde entier continuera à nous regarder de haut.

L’unité africaine, au-delà du slogan

En effet, que valons-nous aux yeux du monde, si nous sommes incapables de nous occuper de nos crises internes ? Comment voudrait-on qu’on nous respecte si nous renonçons à assurer la sécurité des nôtres ? Comment espérer que les Soudanais se sentent africains, si l’Afrique leur tourne le dos pendant ces moments de grandes incertitudes ? L’unité africaine, au-delà d’un slogan, est une responsabilité qu’il va falloir assumer de manière effective. Et cela doit commencer par une volonté politique manifeste. Les moyens suivront après. Parce que la volonté génère les moyens. Encore qu’on ne devrait plus avoir à rappeler cela, 60 ans après l’acte fondateur de l’Union africaine.

Boubacar Sanso Barry

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