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Gabon : un putsch pas comme les autres ?

 « J’espère que cette fois, tu ne pleureras pas la chute d’Ali Bongo » ? C’est avec cette question quelque peu taquine qu’un confrère a accueilli tôt le mercredi matin l’auteur de ces lignes, au sujet du coup d’Etat qui venait d’être annoncé par les militaires contre le président gabonais. Oui, le coup d’Etat contre Ali Bongo Ondimba doit-il être traité comme par exemple celui du Niger, contre Mohamed Bazoum ? Ou bien, fait-il partie de lot de ces putschs dont on pense qu’ils ne peuvent être pires que les ‘’démocratures’’ auxquelles ils mettent fin ? Difficile de trouver une réponse tranchée à ces questions. Parce que tout d’abord, indépendamment des facteurs internes susceptibles de rendre compte du coup d’Etat au Gabon, il est évident que celui-ci s’inscrit dans le cadre de la longue série de putschs militaires que l’Afrique enregistre depuis maintenant trois ans. Ensuite, en prétendant tout de go que le renversement d’Ali Bongo est plus acceptable, on offrirait un argument que tout autre candidat à un coup d’Etat pourrait exploiter à sa guise. Néanmoins, personne ne peut ignorer la singularité qu’était le Gabon. Quand dans un pays, une seule famille a régné durant plus d’un demi-siècle, il est difficile de compatir à la chute de ce régime…

Un troisième mandat d’une heure !

Quel paradoxe ! Ali Bongo dont la famille aura régné sur le Gabon durant 55 ans, rentre dans l’histoire avec un record dont il aurait certainement aimé se passer. En effet, son troisième mandat restera le plus court de l’histoire, car il n’a duré qu’une heure tout au plus. Comme pour Alpha Condé, ça été le mandat de trop. D’autant que dans son cas, Ali Bongo, victime de paranoïa ou d’un excès de confiance, a lui-même contribué à creuser sa tombe. Alors qu’en soi, le troisième mandat était problématique, le président gabonais avait poussé la provocation jusqu’à ce blackout total sur le scrutin. La coupure d’internet, le couvre-feu et ce refus de laisser les médias rendre compte des conditions du déroulement du vote ont accentué les soupçons de fraude et de confiscation des suffrages. Une nouvelle confiscation, dirions-nous, après celle opérée en 2016, au détriment de Jean Ping. De la part d’un président diminué par la maladie et dont la famille demeure depuis trop longtemps à la tête du pays, tout cela était sans doute très risqué. Qui plus est avec le contexte de révolte militaire qui prévaut sur le continent.

Aucune circonstance atténuante pour Bongo

Pour toutes ces raisons, l’appel à la solidarité, plutôt pathétique, lancé hier par l’ancien président via les réseaux sociaux, demeurera inaudible. Non. Ali Bongo ne peut pas espérer le même élan de solidarité que celui que la communauté internationale témoigne depuis un mois à Mohamed Bazoum. Bien sûr, dans les deux cas, le principe voudrait que l’on condamne toute accession au pouvoir par des voies illégales. Mais Bongo n’a aucune circonstance atténuante. Dans le meilleur des cas, on devrait s’atteler à mettre la pression sur ses tombeurs pour que la transition annoncée puisse ouvrir la voie à un Gabon qui soit la fierté de tous les Gabonais. Parce que dans l’absolu, les militaires qui viennent de s’emparer du pouvoir sont tout autant comptables des tares que l’on impute au clan Bongo. Il faudra donc veiller et rester lucide. Mais pour les Bongo, il faut se rendre à l’évidence, c’est une page qui se tourne. Les choses pourraient même être pires, car les dossiers sur les biens mal acquis pourraient être rouverts.

L’Afrique centrale, ventre mou de la démocratie…

Une autre singularité se rapportant à ce énième coup d’Etat, c’est sa zone d’intervention. Les autres putschs ont jusqu’ici eu lieu dans l’espace sahélien ou ouest-africain. Mais le Gabon relève de l’Afrique centrale. Il y a donc une extension de l’épidémie. Or, dans cette partie du continent, le terreau est plutôt fertile, l’Afrique centrale étant notoirement connue comme le ventre mou de la démocratie sur le continent. A cet égard, on peut citer les dinosaures que sont Teodoro Obiang Nguema, Paul Biya et Denis Sassou Nguesso qui, à eux trois, symbolisent l’immobilisme politique qui caractérise cette région, avec respectivement 44 ans, 41 ans et 39 passés jusqu’ici au pouvoir. Bien sûr, en RD Congo, le président Félix Tshisekedi, lui aussi, se doit de se méfier. Lui dont le pays est en proie à une insécurité rampante doit pouvoir en particulier bien négocier le virage des prochaines élections présidentielles. D’autant qu’il traine le passif de l’arrangement électoral qui lui a permis d’arriver au pouvoir il y a 5 ans. Bref, si on n’y prend garde, la vague qui vient de se manifester à Libreville pourrait inonder toute la région. Et il n’y aura pas grand-monde pour s’en plaindre. Parce que notamment la CEEAC, ce n’est pas la CEDEAO.

Boubacar Sanso Barry

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