Il faut certes se garder de crier victoire, au risque de le faire trop tôt. Mais il semble bien que la restriction à l’accès aux réseaux sociaux a été levée dans la soirée d’hier jeudi. Facebook, Twitter et les autres étaient de nouveau accessibles sans VPN. Ce, après trois longs mois durant lesquels les Guinéens étaient comme dans l’obscurité, subitement coupés des voies de communication et d’information que sont désormais ces réseaux sociaux. Et curieusement, cela intervient le jour même du dépôt de l’avis de grève générale et illimitée par le mouvement syndical. Si c’est une coïncidence, elle est plutôt troublante.
Pour les peuples opprimés, il n’y a pas d’alternative à la lutte. S’il en était besoin, la preuve est en train de nous être administrée par les évènements qui se jouent en ce moment en Guinée. Depuis la fin novembre, sans qu’on ne sache ni pourquoi, ni par qui, les Guinéens sont privés des réseaux sociaux. Trois longs mois au cours desquels tout a été fait, sans succès. Via les médias, différents acteurs s’en sont indignés. Des plaidoyers ont été formulés en direction des autorités. Des artistes s’en sont saisis via des chansons composées pour la circonstance. Mêmes les diplomates notamment occidentaux accrédités en Guinée s’en étaient ouvertement émus. Mais jusqu’à ce jeudi soir, les autorités demeuraient sourdes à tous les appels. Au nom de la « sécurité nationale », personne ne voulait rien comprendre, ni entendre. Même le parcours du Syli national à la dernière CAN n’avait pas su faire entendre raison à l’Etat guinéen.
Mais le mouvement syndical guinéen, lui, semble avoir trouvé l’argument qui marche : la menace d’une grève générale et illimitée à partir de lundi prochain. Parce qu’il ne faut pas se creuser les méninges à trouver une autre raison. Il n’y a que celle-là. Il est vrai que dans le contexte socioéconomique qui prévaut dans le pays, le spectre d’une grève générale et illimitée peut réussir là où toutes les autres stratégies ont échoué. Parce que les raisons susceptibles de pousser les travailleurs et au-delà, tous les Guinéens, à répondre au mot d’ordre du syndicat ne manquent pas : pas d’internet, pas de médias, pas de courant, denrées de grande consommation inabordables. Le tout à la veille du mois de ramadan, dans un pays dont les habitants sont à plus de 80 % de confession musulmane.
On comprend alors pourquoi l’on nous restitue opportunément nos fameux réseaux sociaux. Dans la même veine, on ne devrait pas être surpris de l’annonce de la libération de notre confrère Sékou Jamal Pendessa, plus tard dans la journée, à l’issue du verdict attendu au TPI de Dixinn. La soudaine bonne foi des autorités pourrait même aller jusqu’au ‘’déverrouillage’’ des ondes des radios et au retour des chaines de télé sur le bouquet Canal plus. Acculées, les autorités sont en mode concession.
Mais il n’est pas sûr que cela suffise pour éviter la grève tant redoutée. Parce qu’il demeurera toujours un point de revendication où ce ne sera pas évident de faire des concessions. C’est celui relatif à la baisse des prix des denrées de grande consommation. Il n’est pas sûr que les caisses de l’Etat permettent de faire le moindre recul à ce niveau. Or, pour le mouvement syndical, c’est un élément central de la plateforme revendicative. C’est peut-être ce pourquoi les autorités se hâtent de satisfaire aux revendications les plus faciles à régler. En espérant que cela convaincra le mouvement syndical à renoncer à la question de la baisse des prix. Sauf qu’il fallait y penser plus tôt, quand on était au stade du préavis.
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