Dans une analyse percutante, l’écrivain guinéen Tierno Monénembo Diallo, auteur de plusieurs œuvres et formateur, critique le choix des premiers dirigeants africains de privilégier le développement économique immédiat au détriment de l’éducation. Selon lui, « nos tout premiers dirigeants ont commis une grave erreur : ils ont tout de suite parlé de développement au lieu de parler d’éducation », mentionne-t-il. Ce choix a empêché le continent de poser des bases solides pour un progrès durable. Il aurait fallu commencer par « préparer les générations du développement », c’est-à-dire investir d’abord dans les besoins fondamentaux de la population « nourrir, éduquer, soigner. Surtout, éduquer ! ».
Monénembo met en évidence le succès de la Corée du Sud, dont le niveau de vie dans les années 1960 était comparable à celui de la Guinée. En consacrant jusqu’à « 60 % de son budget à l’éducation pendant au moins 40 ans », ce pays est devenu une puissance économique mondiale. Ce succès souligne l’importance de l’instruction comme levier de développement, une voie que l’Afrique a négligée.
En guise de comparaison, Monénembo cite la Suisse, un pays sans ressources naturelles mais qui a bâti son niveau de vie exceptionnel sur l’éducation et le savoir-faire. En effet, ce pays « qui n’a rien d’autre que des sapins et des neiges, détient le niveau de vie le plus élevé du monde », démontrant que « l’éducation est la condition sine qua non du développement ». Là où la Suisse a investi dans la formation de sa population, de nombreux pays africains continuent de sous-estimer le rôle central de l’éducation.
L’écrivain observe également que seuls neuf pays africains consacrent plus de 20 % de leur budget à l’éducation, tandis que six n’atteignent même pas la barre de 10 %. Cette situation contribue à faire de l’Afrique, « ce scandale géologique du monde », le continent le plus pauvre malgré ses vastes ressources naturelles.En regardant les exemples de la Tunisie, du Ghana, de la Namibie, et de Maurice, qui ont fait des choix éducatifs ambitieux, Monénembo note que ces pays jouissent aujourd’hui d’un niveau de vie bien plus élevé que d’autres, comme le Soudan, la Guinée ou le Niger. Cela montre, selon lui, que « si aujourd’hui nos pays sont à vau-l’eau, on est en droit de dire que c’est de la faute des pionniers de nos indépendances qui ont tous, à peu de chose près, manqué de discernement », souligne-t-il.
Pour Tierno Monénembo, l’avenir du continent dépend d’un changement de perspective : investir massivement dans l’éducation pour éviter que « les enfants du Mali ne finissent pas dans les ventres des requins au large de Lampedusa ». Son message est clair : l’éducation est le pilier du développement et la clé pour construire un avenir meilleur pour l’Afrique.
Thierno Amadou Diallo